Mutazilisme

Association pour la renaissance de l'islam mutazilite (ARIM)

Billet #4: sourate 75, verset 16

لَا تُحَرِّكْ بِهِ لِسَانَكَ لِتَعْجَلَ بِهِ

« N’agite pas ta langue pour le hâter » 

Sourate 75 (al-Qyyâma), verset 16

Voici le verset que me propose à la lecture mon application qui me donne les horaires de la salât ainsi que la boussole, et le nécessaire de survie cultuel à la vie quotidienne.

Comme je l’avais écrit en présentant cette rubrique, le deal, si j’ose dire, était d’écrire un billet à partir du « verset du jour », à savoir, une sélection faite par l’IA de l’application, et qui me propose chaque jour un verset à méditer. Exercice que je ne prends pas toujours le temps de faire mais qui est, en réalité, essentiel.

Double interprétation au moins…

Ainsi, le fameux verset en question d’aujourd’hui est celui-ci : « n’agite pas ta langue pour le hâter », tiré de la sourate al-Qiyyâma, la Résurrection. En lisant ce verset court, j’avoue avoir été interpelé. Je l’ai été parce que je me disais qu’il fallait absolument que j’écrive quelque chose pour faire vivre le site, mais je séchais un petit peu. Puis, j’ai ouvert l’application et regardé quel était le verset du jour. Et je tombe sur un propos qui appelle à contenir son envie d’exprimer une chose qui nous paraît importante. Attention, le verset en question évoque de façon allusive deux interprétations (au moins) possibles. Dieu s’adressant au prophète et lui rappelant qu’il n’avait pas à vouloir hâter la révélation de la parole divine (au sens figuré). Ou, il est possible, au vu du contexte du passage, de comprendre qu’il s’agit de parler du livre des œuvres de la personne qui passera devant Dieu après la résurrection. Le verset suivant permettant cette double interprétation puisqu’il y dit : « à Nous de l’assembler en d’en fixer la lecture. »

…Mais là n’est pas la question

Quoiqu’il en soit, un billet n’a pas vocation à être une exégèse aboutie, mais à communiquer un ressenti, une impression. Et l’impression que j’aie ressenti est que je n’avais pas à vouloir forcer les choses, me forcer à écrire et à vouloir communiquer même si ce que j’avais à dire me paraissait important. Ce verset m’a comme détendu et permis de prendre la plume (ou le clavier) de façon sereine et l’esprit léger. C’est là où l’on voit comment des passages coraniques que d’aucuns n’estiment compréhensibles qu’en prenant en considération nombre de facteurs complexes, peuvent tout à fait parler directement à notre conscience, en fonction de ce que nous faisons. De nos petits problèmes quotidiens, et de nos petits intérêts. C’est la partie la plus vivante, et sans doute la plus vécue par ceux et celles qui fréquentent le texte au jour le jour. C’est la partie qui emporte nos émotions et qui est, tristement et nécessairement, la plus laissée pour compte par tous les coranologues. Même si certains d’entre eux insèrent une phrase dans ce sens. Mais que vaut une phrase dans une œuvres complète faite de livres, d’articles, de conférences etc.

C’est là où l’aspect créé, c’est-à-dire, vivant du texte apparaît le mieux. Que Dieu nous en facilite la lecture et la méditation. Amine !

Le mutazilisme, une quête de Justice

Dans la pensée mutazilite, la justice divine est un principe fondamental : Dieu est vu comme étant intrinsèquement juste, et aucune de ses actions ne peut être injuste. Nous, mutazilites, nous insistons sur le fait que l’homme a un libre arbitre, ce qui signifie que chaque individu est responsable de ses actions et de ses choix. Nous voyons la justice comme la qualité divine par excellence et la principale caractéristique du gouverneur idéal et du juge.

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Billet coranique #3 : sourate 62, verset 9

يٰا أَيُّهَا اَلَّذِينَ آمَنُوا إِذٰا نُودِيَ لِلصَّلاٰةِ مِنْ يَوْمِ اَلْجُمُعَةِ فَاسْعَوْا إِلىٰ ذِكْرِ اَللّٰهِ وَ ذَرُوا اَلْبَيْعَ ذٰلِكُمْ خَيْرٌ لَكُمْ إِنْ كُنْتُمْ تَعْلَمُونَ 9

Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière à un moment d’un vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez…

Le déterminisme chantre du libéralisme économique

Ce verset peut être lu et apprécier dans la droite ligne de l’article portant sur la traduction de l’article portant sur la comparaison faite par des mutazilites arabophones entre les approches mutazilite et acharite quant à la question de la fixation des prix des objets. Partisans du libre-arbitre, les mutazilites appellent à l’intervention de l’État en cas de flambée des prix. Car nous sommes responsables et libres d’agir sur les choses. Là où les acharites, partisans du déterminisme divin, acceptent que certains ne puissent pas suivre. Pour eux, c’est la volonté divine.

L’importance de l’esprit

Évidemment, en bons mutazilites que nous sommes, nous refusons cette conception. Et nous la refusons car elle n’est pas acceptable d’un point de vue rationnel (nous pouvons agir), éthique (nous devons refuser l’iniquité) et scripturaire (l’enseignement coranique). Ce billet va me permettre d’illustrer le refus coranique de subir la réalité économique grâce à ce verset que je rappelle : « Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière (salât) à un moment du vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez »

La partie italique en gras est essentielle. Dans un billet, il ne s’agit pas d’aller trop loin dans une approche exégétique, mais disons, de montrer une orientation, une direction que prend le texte. Ici, cette direction, c’est le fait de marquer la supériorité de l’esprit sur la matière.

Salât et transactions

Les vendredis, à un moment de la journée, lorsqu’on est appelé à la salât, nous sommes appelés à entrer en « lien », en « rapport » avec Dieu. Le mot salât, vient de si-la, qui veut dire « lien. » Ainsi, au moment où le « lien » avec Dieu doit être accompli, on cesse les transactions, on cesse tout commerce (au sens étymologique) avec l’argent pour mettre en avant l’importance de l’éveil spirituel. Car l’éveil spirituel est meilleur pour tous, mais en prenons-nous vraiment conscience ?

C’est la raison pour laquelle il faut insister pour que la salât al-jumu’a, prière du vendredi, doit être accomplie au moment du zénith, au cœur de la journée, au cœur du moment des échanges pour montrer que l’esprit doit s’imposer sur la matière. Il y a presqu’une sorte de contre-sens à vouloir accomplir cette prière collective en fin de journée au moment où la journée de travail est finie. Et Dieu sait le mieux.

Comparaison sur la question de la fixation des prix entre mutazilite et acharite

Texte cité, traduit de l’arabe, et extrait d’un groupe de discussion mutazilite arabophone sur les réseaux sociaux, le compte de l’auteur est au nom du Qadi Abdeljabbar al-Hamadhani, mais lui-même cite cette comparaison sans en être à l’initiative.

Image tirée d’un compte Fcb au nom du cadi Abdeljabbar al hamadhani (photo: D.R)

Les extraits :

« La rareté d’une chose provoque une demande forte. Ce qui produit un grand nombre de demandeurs par rapport aux stocks disponibles. Ceci fait augmenter le prix de la chose en question. Cette augmentation est du fait de personne inique. Cette augmentation des prix est telle qu’elle entraine une corruption qui touche essentiellement les plus pauvres. Il incombe alors au pouvoir public d’intervenir pour faire baisser le prix des objets afin de permettre aux plus pauvres de mieux vivre leurs vies ». al-Mughni, Qadi Abdeljabbar, théologien et juriste (mutazilite & shafiite m. 1025).

« L’augmentation ou la baisse des prix dépend de l’offre et de la demande. La fixation de l’ensemble des prix revient à Dieu, exalté soit-Il, parce que c’est Lui qui créé la demande, et c’est aussi Lui aussi qui octroie l’offre et permet jusqu’au monopole ». al-Tamhîd, al-Bâqilâni, théologien et juriste (acharite & malikite m. 1013).

Analyse

Ainsi, à partir du moment où pour le mutazilite, l’être humain est libre et est créateur de ses actes, c’est lui qui fixe les prix des choses. Cela ne veut pas dire que la règle de l’offre et de la demande ne tient pas, cela veut dire que c’est aux hommes, et surtout aux détenteurs de l’autorité publique d’intervenir pour que les plus faibles ne soient pas exclus de la possibilité, eux aussi, de se procurer ce dont ils pourraient avoir besoin.

Alors que pour l’acharite, qui rejette la liberté humaine, et fait de Dieu Le seul créateur de toute chose, y compris de la fixation des prix ; Ces prix sont absolus, ils doivent juste être acceptés tels quels. L’autorité publique n’a pas son mot à dire et ne peux rien réguler du tout. C’est comme ça.

Donc si quelque chose coûte beaucoup trop chère, mettons des médicaments par exemple, non-remboursés par la sécu. Un acharite vous dira que c’est Dieu qui la voulu. Alors qu’un mutazilite vous dira que c’est au pouvoir public d’intervenir pour faire en sorte qu’un médicament non pris en charge par la sécu le soit. Ou que l’État (puisque c’est de cela qu’il s’agit) fasse baisser le prix, autrement dit qu’il régule.

Conclusion

Dans cette petite comparaison, il apparait clairement que les conséquences pratiques des principes théologiques essentiels mènent à une différence essentielle. Alors que le mutazilisme, partisan du libre arbitre, invite les pouvoirs publics à intervenir pour réguler les prix. L’acharisme, partisan du déterminisme divin et du fait que Dieu seul est Créateur de toute chose, y compris des actions humaines, ne tente aucune régulation et considère que les prix relèvent de la volonté divine. Au risque de quelque anachronisme, on peut dire que l’approche mutazilite est économiquement interventionniste. Alors que celle des acharites est économiquement libérale. Il ne serait pas excessif de rapprocher le point de vue acharite avec celui du philosophe écossais Adam Smith (m. 1790) pour qui le marché se régule tout seul grâce à « la main invisible » du capitalisme. L’État n’a pas a intervenir, le marché se régulant tout seul sagement comme sous la conduite d’une main invisible et sage. Un acharite ne saurait qu’approuver cette vision, d’autant plus que pour lui, cette main, c’est en réalité celle de Dieu. Or la réalité économique contemporaine et l’ultra-libéralisme nous ont montré l’inanité d’une telle conception.

MM. Bouamrane-Boniface : une controverse en trompe-l’oeil

يٰا أَيُّهَا اَلَّذِينَ آمَنُوا اِسْتَعِينُوا بِالصَّبْرِ وَ اَلصَّلاٰةِ إِنَّ اَللّٰهَ مَعَ اَلصّٰابِرِينَ

« Vous qui croyez, prenez soutien dans la patience et la salât – Dieu est avec les patients » Al-Baqara (sourate 2, 153)

À l’heure de rédiger l’article du mois pour ce nouveau rendez-vous mensuel sur le site de l’ARIM, que dire d’autre ? Avec quelle autre formule aurais-je pu commencer ? En ces temps ou un État (Israël) se permet de bombarder des civils, les enfermer, les exécuter, les affamer, les expulser, les humilier…tout en se permettant aussi de bombarder des pays voisins (Liban et Syrie) ou moins voisins (Iran), causant des destructions au passage et de la misère ; les pays occidentaux n’ont que des « appels à la retenue » à adresser à Israël. Sans parler des attaques contre les Casques bleus stationnés au Liban ou les institutions internationales sur place. Là où les sanctions contre d’autres pays ont été sévères pour moins que cela. Les pays occidentaux ont montré toute l’étendue de leur hypocrisie, c’était un secret de Polichinelle, c’est devenu une politique assumée. Au moins, nous voilà au clair.

Destruction à Damas le 21 octobre 2024 (photo: AFP Maher al Mounes)

Dans ce contexte, et alors que Amnesty Internationale évoque « un risque réel de génocide », nous avons des politiques en France, qui ne parlent pas du tout de cela. Des politiques censés être de gauche, donc parler pour ceux qui n’ont pas la parole, dénoncer les atteintes aux faibles, etc. Ces politiques, ne parlent pas de ce qui se passe au Proche-Orient, soi-disant pour ne pas importer le conflit en France, tout en s’attaquant à ceux qui, conformément à leurs principes de gauche, dénoncent ces mêmes crimes contre l’humanité.

Karim Boumarane à gauche, et Pascal Boniface (photo: D.R)

Ce politique, entre autres, il n’est pas le seul, c’est Monsieur Karim Bouamrane, actuel maire de Saint-Ouen. Ce monsieur attaque la gauche sous prétexte fallacieux d’électoralisme, mais est silencieux sur les massacres de populations civiles en Palestine. Dans la controverse qui l’oppose à Monsieur Pascal Boniface, force est de constater que c’est Monsieur Boniface qui est du côté de la justice, principe fondamental pour l’islam et surtout pour nous, mu’tazila. Les musulmans de France sont continuellement soumis à une assignation identitaire. Quand Monsieur Bouamrane dénonce l’expression maladroite, il est vrai, de Monsieur Boniface (« Muslim d’apparence »), il tente de cacher le soleil avec un tamis. Procédé bien commode pour ne pas répondre au fond du problème. Surtout quand on est soutenu par des gens qui connaissent et recourent à cette même assignation identitaire.

C’est dans cette ambiance que nous, non seulement musulmans, mais tous ceux qui sont révoltés par les tueries d’innocents, devons évoluer. La solution la plus durable : voter ! Faire les bons choix électoraux. Mais aussi et surtout, prier…prier pour les victimes, pour que Dieu leur octroie la patience, car « Dieu est avec les patients ». Mais prier aussi pour que les valeurs d’humanité soient soutenues, réellement, par ceux qui n’ont que ce mot dans les discours, mais jamais ailleurs que dans les discours (les puissances occidentales). Car ce sont eux qui peuvent peser aujourd’hui et maintenant pour que cessent les tueries.

Dieu sait le mieux et qu’Il accorde Son soutien à toutes les personnes de bonne volonté

Édito & sommaire 10/2024

Karim Boumarane à gauche, et Pascal Boniface (photo: D.R)

En cette période où les massacres d’innocents au Proche-Orient et d’agressions à tout va continuent sous le regard complice des Occidentaux, une controverse a lieu en France qui met aux prises la maire de Saint-Ouen, Monsieur Karim Bouamrane, d’une gauche, que l’on peut clairement qualifier de « frelatée » ; à un chercheur sérieux, président de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS),  Monsieur Pascal Boniface. Celui-ci, en bon être humain, a pu se montrer maladroit (« muslim d’apparence ») dans un propos, donc sur la forme. Mais sur le fond, il n’a que trop raison. Monsieur Bouamrane n’a pas eu un mot pour dénoncer les attaques d’Israël, mais a stigmatisé, les forces de gauche qui le font (sujet de l’article de ce mois).

Match Espagne-Jordanie, coupe du monde des U16 en 2016 (photo: D.R)

Autre actualité en rapport avec l’islam ou les musulmans : des experts de l’ONU estiment que les interdictions du voile islamique en France pour les femmes dans le sport (dans le football et les jeux olympiques notamment) sont « disproportionnées et discriminatoires, et enfreignent leurs droits [aux femmes] de manifester librement leur identité, leur religion ou croyance en privé ou en public, et de prendre part à la vie culturelle » avant d’ajouter que toute limite à une ou des libertés, ne peut se fonder sur des « présomptions, des hypothèses ou des préjugés ». Voilà un rappel bien utile.

Image tirée d’un compte Fcb au nom du cadi Abdeljabbar al hamadhani (photo: D.R)

Vous trouverez une traduction d’un article d’un groupe mutazilite arabophone et qui est qui est une comparaison sur la question de la fixation des prix, entre deux penseurs représentatifs de leurs écoles, le mutazilite Qadi Abdeljabbar (m. 1025) et l‘acharite, al-Bâqilâni (m.1013). L’intérêt ici est de montrer comment une différence théologique (sur le libre-arbitre) a une portée pratique conséquente.

Last but not least, mon billet coranique portant ce mois-ci sur le neuvième verset de la sourate soixante-deux al-Jumua/Vendredi. Là encore, en harmonie avec la comparaison sur la fixation des prix entre mutazilite et acharite. Il sera question de sous et de qui doit contrôler qui…Sommes-nous esclaves de l’argent ? Ou l’argent doit rester notre servant. Le verset répond à cette question.

Bon, il ne s’agit pas d’en rester là. Mais force est de constater qu’il est difficile de faire évoluer les idées et pensées des musulmans en France dans un contexte aussi morose. Néanmoins, les activités de l’ARIM doivent continuer, ne serait-ce que virtuellement pour le moment. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des idées, des questions à poser ou pour faire des remarques. Nous sommes preneurs.

La manière d’exercer le pouvoir des mu’tazilites du M’zâb (actuel Algérie)

طريقة حكم معتزلة وادي ميزاب

Gherdaia, Algérie (Photo: D.R)

عندما استقر المعتزله في وادي ميزاب وبنوا مدنهم وقراهم في الوادي لم يكونوا دوله موحده تشمل الوادي كله من أجل أن لايلفت لهم الانظار والمطامع لهذا كونوا دولة مدن وقرى نظام الحكم الذي طبقوه هو ان ينتخب في كل مدينه وقربه مجلس أعيان من العشائر والعائلات وهذا المجلس ينتخب رءيس للمدبنه اوالقريه ويكون مجلس الأعيان هو السلطه التشريعية والقضاءيه وقراراته تشمل الكل وينفذ هذه القرارات رءيس القريه او المدينه ويمثل السلطه التنفيذية اما حمايه المدينه وأمنها فهي مسؤولية كل اهل المدينه والقريه ٠

Lorsque les mu’tazilites se sont établis au M’zâb et qu’ils y ont bâtis des villes et des villages, ils n’ont pas établi un État unique les regroupant tous, afin de rester discrets et de na pas attirer l’attention des convoitises de potentiels adversaires, mais un État décentralisé. Celui-ci se caractérisait par l’élection dans chaque ville et village d’assemblées constituées de représentants de tribus et de familles, au sein desquelles était élu un chef de village ou de la ville (équivalent de maire). L’assemblée prenait les décisions législatives et juridiques et le chef de la collectivité avait pour tâche de les mettre en exécution. Quant à la sécurité générale, c’était une tâche collective qui relevait de la responsabilité de tous.

Bashîr al-Rahhal al-Mu’tazili

Billet coranique #2 : sourate 49, verset 13

[Note méthodologique : le billet, comme le nom l’indique, n’est pas une exégèse, mais une courte pensée que m’inspire ce verset. Pas une analyse théologique détaillée. Je vous propose ici un billet personnel qui consiste à dire quelque chose sur le verset coranique qu’une application religieuse me propose. En effet, chaque jour, cette application me propose « le verset du jour ». Voici celui d’aujourd’hui ]

يٰا أَيُّهَا اَلنّٰاسُ إِنّٰا خَلَقْنٰاكُمْ مِنْ ذَكَرٍ وَ أُنْثىٰ وَ جَعَلْنٰاكُمْ شُعُوباً وَ قَبٰائِلَ لِتَعٰارَفُوا إِنَّ أَكْرَمَكُمْ عِنْدَ اَللّٰهِ أَتْقٰاكُمْ إِنَّ اَللّٰهَ عَلِيمٌ خَبِيرٌ

الحجرات

Ô vous humains, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, c’est en vue de votre connaissance mutuelle. Le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage — Dieu est Connaissant, Informé

Lorsque j’ai ouvert mon application pour écrire ce billet, j’étais curieux de voir quel verset l’outil informatique allait me proposer. J’avoue avoir été non pas surpris, mais conforté dans mon idée que, peut-être, cette idée de billet n’était pas mauvaise. En effet, après un premier billet qui s’est intéressé surtout à la question du bel-agir et à la justice divine (voir ici) ; ce verset lui pose l’importance de diversité et de l’importance de la connaissance et donc de la reconnaissance mutuelle.

La diversité

D’abord, il faut rappeler que cette sourate, al-Hujurât, les appartements, comme la traduit Jacques Berque, est une sourate tardive, probablement révélée après la prise de La Mecque en 630, vers la toute fin de la mission du prophète Muhammad (sawas). Ce qui est frappant dans cette sourate, c’est son aspect général que l’on pourrait qualifier de testimonial. En effet, cette sourate insiste sur des conseils et prescriptions de bienséance morale. A cinq reprises, elle commence par « Ya ayyouha-l-ladhîna âmanou », « Ô vous qui croyez », ce sont des interpellations directes en direction des croyants pour leur dire ce qu’il faut faire. La dernière interpellation de cette sourate, c’est ce verset. Il ne s’agit plus d’interpeler les croyants, mais tous les humains, on passe de « Ya ayyouha-l-ladhîna âmanou » à « Ya ayyouha-l-nâssou », « Ô vous humains », et ici, l’enseignement qui est adressé aux hommes est empirique : Dieu nous a créé à partir des genres mâle et femelle, et de leurs connexions sont nés des êtres qui se sont diversifiés en cultures et populations différentes dans le but que tous se connaissent (ta’arafou).

La reconnaissance

Le mot ‘urf, qui est la radicale du terme arabe, désigne la « connaissance », le « savoir » voire la « coutume », « ce qui est admis ou reconnu ». Ainsi, la diversité dans l’humanité n’a pas vocation à séparer les Hommes, mais plutôt à faire en sorte qu’ils apprennent à se connaître, voire même à se reconnaître les uns les autres. Car la suite du verset dit bien, « Inna akramakom ‘ind allahi atqâkom », « le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage ». Que veut dire « se prémunit davantage », se prémunir de quoi ? Il s’agit de se prémunir du mal. Car le mal mène vers ce qui est proscrit et ce qui peut pervertir les humains. Le mal et la perversion (l’atteinte à la dignité des Hommes et à leur intégrité) mènent vers la corruption morale, et donc les mauvais actes, et in fine, la justice divine qui sanctionne cette perversion. Car comme le dit le verset et le conclut « inna Allaha ‘alîmon khabîr », « Dieu est Connaissant et Informé ».

Édito de présentation

En ce mois (rabi’ al-awwal 1446/septembre 2024) de Mawlid an-nabawwi al-sharîf, mois de la naissance de notre prophète Muhammad bien aimé (sawas), c’est l’occasion de tenter de redonner un peu de dynamisme à notre site en attendant de pouvoir reprendre d’autres activités plus empiriques et moins virtuelles. Il faut dire que l’année dernière a été une année difficile pour l’ARIM. Il y a eu peu de personnes mobilisées pour venir aux cercles quand ceux-ci étaient maintenus, et bien que nous ayons « bénéficié » de grèves, parfois d’alertes près de notre locale avec intervention massive de forces de l’ordre et nécessité d’évacuer les lieux (pour ceux qui s’en rappellent) ; il y a eu quand même un certain nombre de cercles où il n’y avait qu’une poignée de personnes.

Nous avons donc résolu de passer par le site pour donner un minimum de vie à notre association et qui sait, peut-être reprendre, un de ces jours, l’activité en présentiel.

Voilà pourquoi je vous propose un rendez-vous mensuel : un édito pour livrer des impressions de notre actualité générale, un article lié à une question liée à l’islam, un billet associé à un verset coranique et enfin, je vous proposerai une traduction d’articles écrits par des mutazilites arabophones, de différentes sources et réseaux sociaux. L’intérêt de ces articles, outre leur brièveté, c’est qu’ils donnent un aperçu sur des intérêts réels et actuels de mutazilites vivant le plus souvent, dans le monde arabe et musulman (beaucoup au Proche-Orient, dont certains sont expatriés en Occident, quelques-uns au Maghreb). Évidemment, toute contribution extérieure est la bienvenue à condition qu’elle ait un sens à paraître sur ce site.

Épître aux musulmans perplexes, notre traité mutazilite contemporain

Êpître aux musulmans perplexes, réflexions pour un islam rationnel (photo: Faker Korchane)

Mon livre, intitulé Épître aux musulmans perplexes, réflexions pour un islam rationnel est sorti le 30 juin dernier aux éditions Atlande.

Ce livre est une exploration contemporaine, d’aujourd’hui, de la théologie mutazilite. Ou disons, une application actualisée de la pensée religieuse mutazilite. Nous ne saurions admettre le principe de l’imitation pure et simple, même pour suivre nos propres maîtres. Et c’est en conformité avec cet esprit qui consiste à dire que le message coranique est toujours actuel et exige de nous un effort (jihâd) continu de compréhension et de mise en application que cet ouvrage a vu le jour.

Je vous souhaite d’y trouver plein de choses intéressantes et des informations pour vous aider à cheminer par vous-mêmes. N’hésitez pas à laisser des commentaires si vous avez lu le livre.

En vous souhaitant à toutes et à tous une bonne année 1446 de l’Hégire.

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