La Sunna : Quel degré de fiabilité ? 

L’un des fondements de notre foi islamique est la Sunna (Tradition) du prophète Muhammad (sawas). La Sunna regroupe l’ensemble des enseignements, directs ou indirects, du prophète. En somme, il s’agit de son exemple. Or nous n’avons accès à son exemplarité qu’à travers les hadiths qui sont des maximes et des aphorismes qui lui sont attribués à lui ou, parfois, à certains de ses compagnons.

Notre propos sur la question du hadith se fonde sur le discrédit de ce que d’aucun appelle la « science » du Hadith. Il nous semble très difficile d’accorder des degrés de fiabilité différents à des personnes mortes depuis plus d’un millénaire et dont des récits parlent en bien et d’autres en mal, ce que l’on appelle Ilm al rijal, ou « science des hommes ».

C’est à partir de cette discipline que l’on peut savoir si les rapporteurs dans un sanad (chaines de transmetteurs) sont dignes de foi ou non. Plus encore, l’examen de la sémantique de tel ou tel récit attribué au prophète (Matn, que l’on peut traduire par « ce qui paraît », « le contenu ») n’a lui aussi, aucun sens. Une citation cohérente ne suffit pas à en établir la filiation avec le prophète de l’islam. Car il faudrait avoir une citation a valeur d’« étalon », autrement dit, il faudrait disposer d’un hadith référence qui servirait de norme et à partir duquel il serait possible comparer les autres maximes et aphorismes attribués au prophète. La tradition classique en islam avait bien sentit la difficulté. Pour ne pas mêler les paroles d’inspiration divine avec celles inspirées d’un homme, la tradition théologique classique a tenter d’établir une limite subtile et pourtant très significative : le Coran est considéré comme étant une source de fiabilité certaine (Qat’i ethoubout el delela) ; alors qu’elle a fait du hadith, une source à la fiabilité incertaine (Dhani ethoubout el delela).

Pourtant, aujourd’hui, tout cela est devenu confus. Aujourd’hui, il n’est pas rare en France et ailleurs d’assister à un prône du vendredi où les hadiths sont plus mentionnés et mobilisés que le Coran. Les références aux Sahih de Muslim ou de Bukhari en particulier sont omniprésentes, et représentent pour beaucoup un argument suffisant pour « emporter la conviction et les actes » selon la formule des spécialistes du fiqh (droit islamique). Autrement dit, emporter la foi et les actes veut dire que ces hadiths obligent à la croyance et à l’accomplissement des actions recommandées par les hadiths en question. Pourtant les recueils des deux imams originaires d’Asie centrale (Boukhara en Ouzbékistan actuel pour le premier, à Nishapur en Iran, sont morts respectivement en 870 et 875) ont force de loi et de sources premières pour comprendre l’islam. Ce que nous refusons. Nous refusons de reconnaître aux hadiths une place aussi prééminente comme source de l’islam, parce que les hadiths sont largement faillibles, très souvent contradictoires avec le Coran et avec la raison, et donnent souvent l’image d’un prophète qui correspond plus à un tyran qu’à un prophète. Pourtant le Coran est clair sur le prophète :

« Et Nous [Dieu] ne t’avons envoyé qu’en tant que miséricorde pour les mondes », et « ton éthique est extraordinaire. » (21-107 et 68-4)

Et pourtant, les hadiths nous dépeignent parfois la figure d’un prophète colérique, cruel, qui prend plaisir à faire le mal, arrogant vantard de ses exploits charnels devant ses compagnons…en reproduire un ou des exemples serait facile, mais nous nous y refusons par dégoût de savoir que de telles descriptions puissent être considérées «authentiques ». Comment se fait-il que des générations de musulmans n’aient pas su jeter de tels propos au fond de la poubelle des actes avilissants visant à porter atteinte au prophète dont le Coran décrit les traits d’un homme généreux, bon, en perpétuelle quête (« Dis : Dieu augmente mon savoir » 20-114). Mais le passage coranique le plus emblématique de ce qu’est Muhammad (sawas) se trouve dans la sourate II, La Vache aux versets 187 et 188 :

« On t’interroge sur l’Heure [du Jugement dernier] : “A quand son ancrage ? Dis : « La connaissance n’en réside qu’en mon Seigneur. Lui seul, le moment venu, la fera éclater. Qu’elle sera lourde aux cieux et à la terre ! D’autant qu’elle ne vous prendra qu’à l’improviste“. On t’interroge dessus comme si tu l’avais scrutée. Dis : “La connaissance n’en réside qu’en Dieu ». Mais la plupart des hommes ne le savent pas… Dis : « Je ne m’arroge personnellement ni avantage ni dommage, sinon ce que Dieu voudra. Si j’avais connaissance du mystère, j’abonderais en biens, nul mal ne m’effleurerait. Mais je ne suis là que pour donner l’alarme, porter l’annonce à un peuple capable de croire. »

Ce passage coranique est crucial, bien qu’il ne fait que condenser dans un passage précis, pratiquement tout ce que le Coran dépeint du prophète : un homme parmi les hommes, élu par Dieu pour accomplir une mission précise : « donner l’alarme » et « porter l’annonce à un peuple capable de croire ». Nulle place ici pour un roi tyran, un chef tribal vantard de ses appétits charnels, et encore moins pour un monstre « tueur riant » Al Dhahuk al qatal cher aux terroristes tekfiristes.