Wâsil Ibn ʿAtâ’ est né vers 700 près de Médine. Il grandit dans cette ville où il fut initié à la pensée mutazilite par Muhammad Ibn Al-Hanafya (plus probablement son fils, Abû Hachim), fils de l’imam ʿAlî Ibn Abî Tâlib.

Plus tard, c’est à Basra (actuel Irak) que Wâsil se fit connaître. Il y fut vendeur de draps. Ce métier, peu prestigieux, y était plutôt déconsidéré.

Néanmoins, Wâsil ne sembla pas avoir vécu dans le besoin. Ce serait même le contraire, car lorsqu’il en eut besoin, il paya de sa poche le financement de l’envoi de missionnaires dans plusieurs parties du monde musulman. Marchand épanoui, Wâsil faisait partie de la bourgeoisie basrienne. Il est aussi disciple d’Hasan al-Basrî (642-729), reconnu aujourd’hui encore comme un grand maître dans le sunnisme, un précurseur du soufisme et un défenseur du libre-arbitre. En outre, Hasan était jugé selon la tradition comme un tâbiʿî (personne ayant été disciple d’un compagnon direct du Prophète).

L’anecdote qui aurait servi de point de départ au mouvement mutazilite est une construction des adversaires de Wâsil afin de le discréditer vis-à-vis de Hasan al-Basrî et de ses disciples.

Wâsil n’a quitté le cercle d’Hasan qu’à la mort de celui-ci. C’est alors que Wâsil se retrouva à la tête de son propre mouvement, le mutazilisme. Cette dénomination semblait déjà connue et intégrée à la société de l’époque. Apparemment, elle désignait les musulmans qui, lors de la fitna (guerre civile) entre les musulmans, refusèrent de prendre partie pour un camp plus que pour un autre, car pour eux, un musulman ne pouvait pas faire couler le sang d’un autre musulman. C’est à ce groupe de neutralistes que seront identifiés Wâsil et ses disciples.

Le mutazilisme des origines est purement politique et visait la neutralité vis-à-vis des différents groupes musulmans car aucun n’ayant la primauté du savoir ou du crédit sur les autres. Mais avec Wâsil, cette neutralité se traduisit en termes religieux et juridiques.

Le kalâm (théologie spéculative) fit ses premières armes créant ainsi un canal acheminant la logique et la philosophie au questionnement théologique. Dialecticien hors pair, Wâsil fut aussi un orateur apprécié. Victime d’un défaut de langage qui l’empêchait de différencier les différents « r » de la langue arabe, il écrivait des discours entiers en évitant d’y introduire cette lettre. Cela lui conféra une certaine prestance et un savoir faire salué par les philologues. La place qu’il occupait en tant que bourgeois, orateur et chef de mouvement, fit qu’il fut choisi par la population de Basra pour faire partie d’une délégation envoyée parlementer avec le gouverneur de la ville ʿAbd Allâh Ibn ʿUmar Ibn ʿAbd al-ʿAzîz.

Le mutazilisme prit alors de l’ampleur, et Wâsil envoya des missionnaires (duʿât) dans tout le monde musulman (Kufâ, la péninsule Arabique, le Khurasan, l’Arménie, le Pendjab et le Maghreb). Il avait une cinquantaine d’années lorsqu’il mourut à Basra, un an avant la révolution abbasside, probablement de la peste qui sévissait dans la ville.