Retour sur les objectifs et la nature de l’association ARIM. 

 

L’Association pour la renaissance de l’islam mutazilite est une association qui vise à faire connaître l’approche mutazilite de l’islam. Pour faire cela, nous remettons l’héritage intellectuel et historique du mutazilisme en avant, et montrons comment l’islam dans son ensemble a pu en profiter. Depuis le début de l’association, les personnes se retrouvant dans nos cercles de discussion ont émis beaucoup de critiques (justifiées) à l’encontre de l’islam traditionnel (sunnite conservateur) et du traditionalisme. Régulièrement, de nombreux appels à une plus grande ouverture se sont faits entendre. Ces derniers ont été accueillis favorablement, car ils correspondent à notre approche de l’islam, fondée sur la raison.

L’islam rationnel

Or, qui dit approche rationnelle, dit approche qui prend en compte la situation réelle et les données actuelles en notre possession. De ce fait, il y a dans une approche rationnelle, une nécessité de rendre la réflexion théologique contemporaine au temps vécu, et non indexée sur un temps passé, celui de la Révélation ou sur celui d’auteurs vieux de plusieurs siècles. Cet accord avec l’aspiration courante et l’esprit du temps (rūḥ al-zamān) a pu créer une confusion dans l’esprit de certains. D’aucuns considèreront le mutazilisme que nous défendons comme étant uniquement un courant libéral, progressiste, féministe voire new age, alors que le mutazilisme est un mouvement théologique islamique ancien. Autrement dit, c’est une lecture, une compréhension de l’islam qui n’est pas nouvelle et qui implique un certain nombre d’affirmations théologiques et philosophiques : Dieu est. Il est Un, Juste, Clément et Miséricordieux. Il nous a doté d’une constitution physique optimale, ainsi que de la raison. Et pour nous assurer de Sa délicatesse, de Sa tendresse infinie (lutf), nous a envoyé des prophètes ainsi que des révélations, fournissant à notre raison de quoi penser, produire et vivre. Il y a des recommandations, des prescriptions, des mises en gardes et des encouragements. Cela, nous le reconnaissons clairement et l’acceptons avec joie.

L’islam libéral ? 

Mais cela ne veut pas dire que toutes ces préconisations ne doivent pas être d’abord passées par le filtre de la raison. Et c’est cela notre plus-value. Accorder à la raison, en tant que don universel fait par Dieu aux humains, le statut et le poids qu’elle mérite, c’est-à-dire de première source. Cela veut dire aussi, que notre manière de vivre et de comprendre l’islam, bien qu’elle plaise à bon nombre de « musulmans libéraux », ne doit pas être mal comprise. Nous ne souhaitons pas nous plier à une stricte approche libérale au sens anglais du terme, c’est-à-dire « progressiste », ni même féministe. Si nous sommes pour l’imamat des femmes, c’est parce que les enseignements coraniques et le fait de s’en remettre à Lui, le permettent. Le premier mouvement à défendre cette idée date de 695, une soixantaine d’années après la mort du prophète Muhammad (sawas). Pourquoi ? Sans doute parce que ces partisans de l’égalité, avaient lu les mêmes textes, et s’étaient inspirés du même exemple prophétique. Mais nous devons aussi examiner nos problématiques à l’aune de nos contextes. Ainsi, si nous aurions pu soutenir le droit à l’imamat pour les femmes à Bagdad au IXe siècle. Peut-être, ne l’aurions-nous pas fait dans la Bagdad du XIVe siècle.

Ainsi, que les choses soient dites, et qu’elles soient bien claires. Le mutazilisme n’est pas un mouvement islamique progressiste, il est avant tout un mouvement de théologie rationnel. A la limite, l’épithète « libéral » peut être accepté en ce sens que c’est un mouvement qui souligne la liberté humaine, et donc la nécessité pour tout croyant de mettre en pratique les enseignements à partir de sa volonté propre, libre et autonome. Par conséquent, il est urgent de rappeler que l’ARIM n’a pas vocation à considérer la déconstruction comme une fin en soi. L’ARIM, bien qu’étant une association culturelle, défend le patrimoine mutazilite. Elle dit que nous pouvons dépasser les blocages des sunnites traditionalistes, à condition de s’intéresser à la méthode mutazilite. Si nous trouvons l’enfermement dans le passé dangereux ; nous estimons que se mouvoir sans limites, sans balises ni repères historiques, est tout aussi problématique. Toute personne qui « refuse les étiquettes » comme elles aiment à le dire, ne se rend pas compte à quel point son approche peut paraître égoïste et déculturée car déconnectée de tout héritage. Peut-être qu’elle-même arrivera à cheminer tant bien que mal dans les sentiers de la foi. Mais pour combien qui s’y perdront, voyant dans cette tendance un mouvement strictement new age et éminemment hors sol ? Nous considérons l’héritage mutazilite comme primordial, mais que nous ne devons pas imiter les anciens dans les moindres détails. La méthodologie de cette école reste pour nous la plus à même de s’adapter aux divers changements que le monde nous impose.

L’issue mutazilite

Toute approche, même si elle prétend s’affranchir des étiquettes, si elle se caractérise par des traits dominants, finit par devenir une étiquette. En arabe, on appelle d’ailleurs cette façon de rejeter les noms et les écoles de « lai-madhhabyyia », « sans voie ». Nous pourrions à peine surenchérir en disant les « sans issues ».

Au sein de l’ARIM, nous travaillons à faire en sorte de trouver l’une des issues aux problèmes et difficultés que rencontrent nombre de musulmans avec le discours théologique officiel dominant. Cette issue se matérialise dans le mutazilisme. Nous ne disons pas que c’est la seule qui vaille, mais pour nous, c’est la meilleure solution pour nous permettre de garder les intangibles de l’islam, tout en questionnant, et en permettant la méditation, la réflexion et l’épanouissement spirituel. Notre rôle n’est pas de prôner uniquement la déconstruction de l’idéologie traditionnelle, mais de construire sur les bases d’un courant théologique préexistant. Dieu, dans Son incroyable générosité, nous offre un grand nombre d’accès à Lui. Nous en explorons un, et c’est déjà une tâche immense. Nos réunions mensuelles, et nos activités en général ne visent pas à autre chose qu’à montrer concrètement, comment, par l’approche rationnelle, nous donnons à Dieu et à l’islam, un aspect concret, logique, bon et juste. Car la raison que nous défendons n’est pas la raison froide de Descartes et de Kant, mais la raison froide et chaude. L’intelligence froide de l’analyse et de l’examen, la capacité de discerner le vrai du faux ; et l’intelligence chaude de la synthèse, de la mise en relation, et de la quête du bon et du juste. L’analyse et la synthèse ne sauraient exister pour elles-mêmes, mais en vue d’une fin. C’est pourquoi la raison n’est pas « froide, dure et implacable », elle est exigeante, juste et la plus objective possible. C’est pourquoi nous encourageons l’art, que ce soit sous forme écrite ou figurée. L’intelligence consiste à comprendre, et la compréhension de l’autre est vitale, et se matérialise le mieux dans la production artistique. Cela ne veut pas dire que nous négligeons le reste. La théologie spéculative (credo), la théologie pratique (praxie), et l’éthique globale individuelle, sont les trois choses qui constituent le cœur de la foi islamique. Nous les explorons aussi selon la méthodologie mutazilite.

Ceux qui se complaisent dans l’errance causée par la seule déconstruction systématique des héritages ne trouveront pas dans notre activité de quoi les sustenter. Ceux qui recherchent des réponses et des repères pouvant aider leur cheminement dans la foi seront toujours les bienvenus, qu’ils ou elles acceptent le mutazilisme ou non. La rentrée promet d’être riche en débats.

Bien à vous. Que la paix vous accompagne.