Dans la pensée mutazilite, la justice divine est un principe fondamental : Dieu est vu comme étant intrinsèquement juste, et aucune de ses actions ne peut être injuste. Nous, mutazilites, nous insistons sur le fait que l’homme a un libre arbitre, ce qui signifie que chaque individu est responsable de ses actions et de ses choix. Nous voyons la justice comme la qualité divine par excellence et la principale caractéristique du gouverneur idéal et du juge.
Catégorie : Ethique
Texte cité, traduit de l’arabe, et extrait d’un groupe de discussion mutazilite arabophone sur les réseaux sociaux, le compte de l’auteur est au nom du Qadi Abdeljabbar al-Hamadhani, mais lui-même cite cette comparaison sans en être à l’initiative.
Les extraits :
« La rareté d’une chose provoque une demande forte. Ce qui produit un grand nombre de demandeurs par rapport aux stocks disponibles. Ceci fait augmenter le prix de la chose en question. Cette augmentation est du fait de personne inique. Cette augmentation des prix est telle qu’elle entraine une corruption qui touche essentiellement les plus pauvres. Il incombe alors au pouvoir public d’intervenir pour faire baisser le prix des objets afin de permettre aux plus pauvres de mieux vivre leurs vies ». al-Mughni, Qadi Abdeljabbar, théologien et juriste (mutazilite & shafiite m. 1025).
« L’augmentation ou la baisse des prix dépend de l’offre et de la demande. La fixation de l’ensemble des prix revient à Dieu, exalté soit-Il, parce que c’est Lui qui créé la demande, et c’est aussi Lui aussi qui octroie l’offre et permet jusqu’au monopole ». al-Tamhîd, al-Bâqilâni, théologien et juriste (acharite & malikite m. 1013).
Analyse
Ainsi, à partir du moment où pour le mutazilite, l’être humain est libre et est créateur de ses actes, c’est lui qui fixe les prix des choses. Cela ne veut pas dire que la règle de l’offre et de la demande ne tient pas, cela veut dire que c’est aux hommes, et surtout aux détenteurs de l’autorité publique d’intervenir pour que les plus faibles ne soient pas exclus de la possibilité, eux aussi, de se procurer ce dont ils pourraient avoir besoin.
Alors que pour l’acharite, qui rejette la liberté humaine, et fait de Dieu Le seul créateur de toute chose, y compris de la fixation des prix ; Ces prix sont absolus, ils doivent juste être acceptés tels quels. L’autorité publique n’a pas son mot à dire et ne peux rien réguler du tout. C’est comme ça.
Donc si quelque chose coûte beaucoup trop chère, mettons des médicaments par exemple, non-remboursés par la sécu. Un acharite vous dira que c’est Dieu qui la voulu. Alors qu’un mutazilite vous dira que c’est au pouvoir public d’intervenir pour faire en sorte qu’un médicament non pris en charge par la sécu le soit. Ou que l’État (puisque c’est de cela qu’il s’agit) fasse baisser le prix, autrement dit qu’il régule.
Conclusion
Dans cette petite comparaison, il apparait clairement que les conséquences pratiques des principes théologiques essentiels mènent à une différence essentielle. Alors que le mutazilisme, partisan du libre arbitre, invite les pouvoirs publics à intervenir pour réguler les prix. L’acharisme, partisan du déterminisme divin et du fait que Dieu seul est Créateur de toute chose, y compris des actions humaines, ne tente aucune régulation et considère que les prix relèvent de la volonté divine. Au risque de quelque anachronisme, on peut dire que l’approche mutazilite est économiquement interventionniste. Alors que celle des acharites est économiquement libérale. Il ne serait pas excessif de rapprocher le point de vue acharite avec celui du philosophe écossais Adam Smith (m. 1790) pour qui le marché se régule tout seul grâce à « la main invisible » du capitalisme. L’État n’a pas a intervenir, le marché se régulant tout seul sagement comme sous la conduite d’une main invisible et sage. Un acharite ne saurait qu’approuver cette vision, d’autant plus que pour lui, cette main, c’est en réalité celle de Dieu. Or la réalité économique contemporaine et l’ultra-libéralisme nous ont montré l’inanité d’une telle conception.
Le 3 juin dernier, vient de paraître une enquête journalistique sous forme de livre, intitulé, Au cœur de l’islam français. Dans ce livre, l’auteur, Étienne Delarcher, journaliste indépendant, s’est donné pour mission de savoir ce qu’un nouveau musulman, lambda, c’est-à-dire banal, sans formation préalable ou aucun background spécifique, pourrait recevoir comme connaissance sur sa nouvelle religion. Ce statut de converti a l’avantage de lui donner la possibilité de poser toute sorte de question sans risque réelle d’être soupçonné de quoique ce soit. Et ce que l’on peut dire, c’est que l’enquête donne des résultats gratinés !
La méthode
Pour savoir quelles étaient les discours dans les mosquées de France, Étienne Delarcher va visiter, en trois années, soixante-dix mosquées, essentiellement de la région parisienne mais pas que. Il y a les mosquées de Nanterre, du Kremlin-Bicêtre, de Choisy-le-Roi, ou encore de Paris, évidemment ; mais aussi, des mosquées lyonnaises, marseillaises, lilloises, voire même toulousaine à l’occasion. Pour rationaliser son propos et construire son enquête, le journaliste va analyser trois grandes questions : la place des femmes, le rapport au texte sacré, et le rapport au reste de la société. Le journaliste, dans sa peau de fraîchement converti, se rend dans les mosquées pendant les khutab(prêches) et/ou durûs (leçons), écoute, puis, une fois l’intervention de l’imam ou du mudarris (enseignant) fini, Étienne Delarcher commence par poser une première question a priori anodine, sur la licéité de la musique par exemple, mais qui lui permet de situer le niveau d’engagement de la personne avant même que le journaliste ne lui pose sa « vraie » question.
Les résultats…ça fait peur
Le résultat du travail du journaliste est pour le moins gratiné. Qu’entends-je par ce terme ? En réalité, rien de ce que le journaliste rapporte n’est nouveau pour qui connaît les mosquées, le niveau de formation, mais aussi et surtout, les discours religieux officiels. Disons-le franchement, les femmes sont systématiquement infantilisées et chosifiées. Elles ne savent pas se diriger par leurs têtes mais sont de pauvres victimes de leurs cœurs bien trop tendres, et ne savent pas ce qui est bon pour elles. D’où la nécessité de tuteurs et de mahram (sorte de chaperon) dans leurs activités, si activités il doit y avoir. Le male de la famille est seul à prendre les décisions au mieux pour les femmes de la famille. C’est le discours religieux officiel tenu dans les mosquées. Ici, il faut préciser que le journaliste n’interprète rien, il dit ce que les religieux rapportent et enseignent. Il ne fait pas d’étude sociologique sur la réalité de l’activité des femmes et leur autonomie par rapport aux discours religieux. Son angle de vue est, « je suis nouveau musulman, qu’est-ce qu’on m’enseigne ? ». Évidemment, les femmes musulmanes pratiquantes et qui fréquentent les mosquées sont bien souvent à des années lumières de cette image véhiculée par les religieux eux-mêmes, elles sont souvent celles qui ont les études les plus abouties dans les familles, et occupent des emplois qualifiés et on des situations professionnelles établies. Infantilisées, elles sont aussi chosifiées. Les femmes sont des perles qu’il faut conserver dans leurs écrins, des pierres précieuses qui ont tellement de valeur qu’il faut absolument protéger. Donc, elles sont des objets à forte valeur ajoutées, mais des objets, des choses, quand même. Par charité, je passe sur le discours qui fait des femmes des sexe-toys à disposition des hommes. Nous sommes à des parsecs du message coranique sur la relation de mawadda (amour intense) de rahma (trop vaste pour être facilement traduit) et de walaya (rapport de responsabilité et de protection) entre les époux et à laquelle appelle le Coran (valeur astronomique, un parsec =1pc = 30 900 milliards de km). Voici un passage assez édifiant sur la question pour illustrer le propos de l’auteur : « Le thème du couple en islam est assurément le sujet que j’ai le plus traité. En tout, cela a donné lieu à plus de vingt-cinq discussions avec des responsables religieux, D’où se dégage une tendance de fond, profonde, quasi consensuelle, construite sur deux piliers. D’une part, une justification de la hiérarchie patriarcale : les hommes dominent, décident, travaillent ; de l’autre les femmes sont confinées aux travaux ménagers et à la soumission. En parallèle de ce premier pilier, il y a tout un arsenal religieux pour faire tenir cet ordre patriarcal, passant de la pression psychologique jusqu’à la violence conjugale. Cette base, ce socle va être agrémenté, à chaque discussion, de petites variations qu’elles soient argumentatives ou portant sur le fond. » (p.94)
Sur la partie théologique, deux choses sont saillantes. Le Coran est tellement sacré, qu’on accepte tel quel ce qui y est dit, sans possibilité de l’interroger, ni même d’envisager la possibilité du ta’wîl (interprétation pour se rapporter au sens premier). Le texte est toujours pris de façon littérale, ou toujours compris à travers les lunettes de lecture du littéralisme. Rien de surprenant pour nous, depuis le XIIIe, XIVe siècles, c’est le suivisme et le littéralisme hanbalite qui s’est peu à peu répandu dans tous les milieux sunnites. On voit aujourd’hui que cette maladie, ce cancer exégétique à même gagné les milieux hanafites. Le hanafisme, seule voie issue de l’approche kufienne, a fini par sombrer au XXe et au XXIe siècles. Le déobandisme s’attaquant au maturidisme qui avait succédé au mutazilisme des premiers hanafites. Il faut renouer avec le hanafisme originel, celui d’Abû Hanifa (et non d’Habou Hanifa Monsieur Delarcher de grâce p. 57) lui-même miroir actualisé du mutazilisme. Raison pour laquelle, des ouvrages de littéralistes comme Ibn Kathir, ou Ibn Taymiyya sont aujourd’hui sollicités comme le remarque l’auteur. D’ailleurs, pour en revenir à l’ouvrage du journaliste, outre l’aspect littéraliste qui met à mal autant de religieux avec lesquels le journaliste interagit ; un autre point dans ce livre est digne d’intérêt sur la question théologique, la sacralisation du prophète Muhammad (s). Voyons ce que dit l’auteur après avoir écouté un imam parlé du prophète : « un mélange de superlatifs et de récits hagiographiques, le tout récité sans nuance et sans recul. (…) De l’extérieur, et même s’il est probable que le cheikh s’en défendrait sûrement, tout ceci ressemble étrangement à de l’idolâtrie » (p. 183-184). L’amour de notre prophète n’a jamais consisté en une pure imitation servile, une singerie vile de celui qui est effectivement un guide pour nous. Il ne faut pas le singer, il faut s’en inspirer. Au lieu de vouloir gratter frénétiquement ses dents dans du siwâk (petit bâton de bois qui servait de brosse à dents à l’époque) sous le prétexte que c’était la pratique du prophète, n’est-il pas plus sage, plus juste, plus profond, plus utile, de faire comme lui en respectant sa parole par exemple ? N’est-ce pas plus prophétique de toujours respecter autrui, plutôt que de jeûner les lundis et jeudis sans rien amender à ses vices ? Le prophète doit être source d’inspiration, et nullement objet de singerie aliénante et servile, cela n’a jamais été son enseignement.
Last but no least, le rapport au reste de la société. Dans ce dernier chapitre, l’auteur revient sur le rapport aux femmes et plus précisément sur la possibilité que l’on a ou non de serrer la main à une femme quand on est homme. La question du mariage des enfants, ou encore le régime préconisé en islam. Là encore, les réponses ne se font pas remarquées par une prise en considération du zamân (temps) et du makâne (espace), pourtant si chères au fiqh (droit islamique) classique. Quoique, si l’interdiction de serrer les mains des femmes semblent plutôt bien partagée et même justifiée par les acteurs du culte ; tous ont tendance à nuancer la question du mariage des mineurs. Pour eux, il faut attendre la « puberté », et ils n’hésitent pas à monter jusqu’à seize ou dix-sept ans. Quant au régime politique que les religieux musulmans pensent être islamique, c’est celui de la « choura », voire le califat. Bien que derrière ce vocable, les religieux ne mettent pas tous la même chose. Mais notre auteur sera marqué par le conseil que lui donne un imam francilien « enthousiaste », pour l’aider à comprendre ce que serait, comme le demande le journaliste « le régime politique qui serait le plus préférable. » (p.190) Ce livre s’avère être La politique religieuse de…Ibn Taymiyya. Extraits choisis : « je commande le livre en question. Je m’attendais à un écrit passablement réactionnaire, mais je vais quand même être surpris par les multiples horreurs qu’il contient. (…) très vite, je remarque que le théologien a une obsession, celle du Djihad. Car l’objectif d’Ibn Taymiyya n’est pas de construire un état stable mais d’inventer une chefferie guerrière répandant l’islam à coups de sabre. La guerre sainte et non seulement la finalité de son projet politique, mais aussi le moyen de la survie de celui-ci. » Plus loin : « ce théologien ordonne aux gouvernants d’appliquer la charia, et insiste sur le fait que les sanctions divines doivent être administrées sans délai et sans la moindre indulgence. La froideur du texte est troublante. Aux yeux du religieux, le simple fait d’aller voir le calife pour demander d’épargner un voleur qui va se faire trancher la main est présenté comme un acte gravissime de désobéissance envers Allah. » Le journaliste s’est quand même intéressé à Ibn Taymiyya, il ajoute une note tout à fait juste et pertinente : « À chaque page de cet ouvrage, on découvre de nouvelles horreurs, de nouvelles règles inhumaines. Le théologien Ibn Taymiyya était déjà à son époque, le XIIIe siècle, perçu comme un religieux austère et obtus. Vue du XXIe siècle, cette évidence est encore plus criante. » Mais plus éclairant encore et pour finir, la conclusion de l’auteur sur cette recommandation de lecture que devrait méditer bon nombre de nos religieux : « Comment peut-on penser que c’est une bonne idée de mettre entre les mains d’un converti, en pleine découverte de sa religion, un livre qui prône la création d’un califat Sanglant et expansionniste dont l’objectif serait d’écraser toute contestation de l’islam non seulement dans ses frontières mais aussi en dehors ? Si on lit ce livre et qu’on finit par être convaincu par les principes qu’il promeut, le seul débouché politique existant, c’est de rejoindre Daesh. Je ne saurais dire si c’est de l’inconscience ou un choix délibéré, mais en agissant ainsi l’imam de la mosquée de (cf livre, ndl) m’envoie directement dans les bras de groupes terroristes. » (p. 192/193/194/195)
La partie du livre sur le salafisme est étonnement courte, à peine plus de deux pages. Dans cette partie, Étienne Delarcher, le journaliste, dit bien que « de nombreux responsables religieux vont spontanément [l]e mettre en garde contre ce mouvement fondamentaliste, et les griefs avancés sont souvent les mêmes, qu’il s’agisse de dérive violente, de l’obsession du paraître ou du mépris des autres courants islamiques (…) mais », continue l’auteur, « dans le même temps, cet Islam républicain (celui des responsables religieux, ndl) reste largement poreux face aux intrusions de cet intégrisme venu d’Arabie Saoudite. Dans l’essentiel des mosquées où j’ai enquêté, les bibliothèques portaient la marque de cette influence salafiste, avec de nombreux ouvrages de ce courant mis à la disposition des fidèles. Je vais aussi retrouver de manière encore plus directe ses idées dans des cours de fiqh ou des rappels. Il n’y a pas d’ostracisation des penseurs salafis, très loin de là. Rien ne vient stopper cette poussée intégriste. »
Hors du livre : une enquête nécessaire pour parler de l’islam en France…
L’enquête du journaliste pourrait paraître à charge, comme n’adoptant qu’un point de vue limité, et qui ne rend pas compte de toute la réalité théologique de l’islam de France. Après tout, le soufisme, le shi’isme, d’autres approches même dans le sunnisme sont complètement absentes du livre. De même, l’auteur ne rend pas compte de la réalité concrète des musulmans lambdas, qui ont tendance à faire fi de tous les aspects problématiques qui sont enseignés comme étant l’islam. L’écrasante majorité des musulmans (hommes et femmes) serrent les mains de gens de l’autre sexe, l’écrasante majorité n’irait jamais chercher à faire exécuter un ex-musulman devenu chrétien ou bouddhiste ou que sais-je, etc. Mais justement, tout l’intérêt de la démarche du journaliste, qu’il faut saluer, n’était pas de rendre compte de la réalité des croyances et des pratiques des musulmans (d’ailleurs, juste sur cet aspect-là, bien que l’auteur signale souvent la qualité médiocre des prêches, il souligne très souvent la bonhomie des imams et la chaleur qu’il trouve dans les mosquées). L’intérêt de la démarche d’Étienne Delarcher est de montrer, non pas au public de façon générale, mais à nous, musulmans, « voilà ce que vous réfléchissez de l’islam », réfléchir comme au sens de ce que fait un miroir, il vous renvoie l’image que vous lui donnez. Si vous détestez la couleur rouge mais que vous portez un maillot home des Reds de Liverpool, le miroir ne va pas le transformer en maillot blanc pour vous faire plaisir, il vous dira simplement « regarde ce que tu portes, eh oui, c’est rouge ! ». Énervez-vous comme vous le voudrez, criez, rejetez, niez, le fait est que vous portez du rouge.
J’arrête là la métaphore. Ce livre est plus que précieux, parce qu’il met un miroir face aux responsables religieux musulmans. Ces gens savent que toutes ces croyances problématiques, sur l’inégalité entre les sexes, le rejet de l’autre, l’islamisme, soft ou hard, etc. tous ces aspects sont dans les faits…abrogés par la pratique des musulmans. Mais le discours officiel, celui des religieux n’a pas évolué depuis des siècles parce qu’il ne peut plus évoluer. Depuis des siècles, c’est l’école du hadith, l’école du naql ou de l’imitation qui s’est imposée en milieux sunnites. Or l’écrasante majorité de nos mosquées en France sont sunnites. Le discours religieux officiel en France a du mal à regarder ce qui se passe ailleurs, dans les pays à majorité musulmane et où des auteurs ont conceptualisé des avancées théologiques plus ou moins timides, mais où ils avancent, quitte à faire bouger les lignes doucement (comme en Tunisie ou au Maroc mais pas seulement). Les responsables religieux musulmans en France sont en vérité, pris au piège d’une double tension : Occident/Orient d’une part, mais plus problématique encore islam/France. Je ne dis pas islam/laïcité, parce que c’est un faux débat. La loi 1905 est parfaite, elle encadre l’action de l’État afin de permettre la liberté de conscience, de croyance et de culte aux usagers (citoyens), garantissant ainsi la parfaite liberté religieuse de tous.
…un islam plus complexe qu’il n’y paraît
Et pourtant, il y a des religieux français qui ont réussi à dépasser cette tension. Je dirai même que ce discours, sans être majoritaire, commence à être plutôt connu par un certain nombre de fidèles. On voit que l’enquête d’Étienne Delarcher épingle le plus souvent les propos d’imams « remplaçants », ou d’enseignants, disons, non-titulaires, même et surtout, dans, les grandes mosquées. Pourquoi l’auteur n’épingle-t-il pas les propos de personnalités religieuses plus établies telles que, au hasard, Tareq Oubrou à Bordeaux, Azzedine Gaci à Villeurbanne ou encore Kamel Kabtane à Lyon ? Je ne sais si’ l’auteur a pu les écouter, mais je pense que ces personnes, avec d’autres imams, ont réussi à faire le lien entre une connaissance fine de la religion, notamment dans sa théologie pratique (fiqh), avec la réalité du terrain et la fameuse abrogation de fait, celle des croyants, d’une partie du fiqh classique, notamment celui portant sur les châtiments corporels. Comprenons-nous bien. Le fiqh classique dit bien que « l’apostat » devrait être exécuté et qu’un fornicateur (et même une fornicatrice), doit être lapidé. Mais dans les faits, à part quelques psychopathes ou sociopathes, cela arrive peu. Sur un total de plusieurs millions de musulmans en France (entre quatre et six ou sept), les sociologues estiment que 25% des enfants issus de familles musulmanes ne le sont pas. Soit ils deviennent athées, agnostiques ou se convertissent à d’autres religions. On ne voit pas (sauf dans les fantasmes des islamophobes) autant de gens être tués tous les jours. En outre, les affaires d’adultères (sur la fornication), finissent plus en divorce qu’autre chose. Il y aura toujours un ou deux contre-exemples à montrer, mais ils n’iront jamais contre ce mouvement de fond.
Les religieux dont je parle, connaissent le fiqh classique, dis-je, mais aussi, la réalité empirique de leur terrain (la société française, et pas seulement, parce que eux sont attentifs aux débats hors de France dont je parlais plus haut). Eux ont admis une première donnée que les initiés savent : le fiqh est une activité humaine. Les textes ne changent pas, notre compréhension du texte, elle, bouge. Beaucoup refusent de l’admettre, y compris et peut-être même surtout, chez les religieux mal, ou peu formés. Mais les bons savent. De ce fait, ils admettent et acceptent que des pans entiers du fiqh, bien que toujours enseignés dans les grandes universités islamiques, soient dans les faits, mis de côté dans leurs enseignements. Cela ne veut pas dire qu’il y a double discours, au contraire. Il y a un choix de faire place à une abrogation de facto, mais qui est parfois difficile à assumer officiellement et clairement. Elle l’est sur la question de l’esclavage par exemple, parce que cette abrogation de fait de ce pan entier du fiqh a été admise consensuellement par les musulmans. Il n’y a donc pas de difficulté à dire que cette partie du fiqh est dépassée, bien que le fait qu’elle soit toujours enseignée pose question (comme la bien montre Omero Marongiu-Perria dans son lumineux Rouvrir les portes de l’islam). Le problème pour nos religieux éclairés, est qu’ils savent qu’ils évoluent dans un contexte hostile (chez les non-musulmans) qui nourrit les franges les plus réactionnaires chez nombre de musulmans, notamment les plus jeunes. Pas étonnant que notre journaliste faux-converti raconte comment un jeune musulman est venu le voir pour lui recommander un site religieux portant les avis d’imams saoudiens considérés porteurs du vrai islam, contrairement aux « imams français ». Le défaut de nos religieux éclairés, pour certains d’entre eux, est que souvent, ils ne disent pas clairement les choses.
Comme un air de révocation de l’Édit de Nantes
La Révocation de l’édit de Nantes 1685 (photo: D.R)
Mais voilà, en France, il y a un rejet de la reconnaissance de l’islam comme « religion française » par les politiques. Ce rejet, et ce jeu sur l’islam par les politiques, s’appuie sur l’histoire d’une part, mais aussi et surtout, sur l’actualité (attentats, discours etc). Les politiques utilisent l’islam comme variable d’ajustement pour faire monter des peurs et jouer avec le vote des extrêmes. Depuis le début des années 2000, on a donné raison aux extrêmes droites, et on leur a permis de répandre leurs idées, comment ? En se les appropriant. Le premier à avoir fait ça de façon assumée, avec sa fameuse « droite décomplexée », c’est Nicolas Sarkozy. Et en 2004, on a violé la loi 1905 pour transférer la neutralité qui devait être celle de l’État dans le secondaire, aux usagers, usagères en l’occurrence, des services publics. On a fait ce qu’on fait dans les pays totalitaires, on a dit aux gens ce qu’ils pouvaient porter ou non. Aujourd’hui, avec les nouvelles directives, les agents de l’État vont pouvoir définir le port d’un habit religieux ostentatoire « par destination. » Ainsi, si on sait qu’un groupe religieux quelconque adopte le port d’un t-shirt orange d’une certaines marque sportive comme signe de reconnaissance, c’est un agent de l’État qui pourra décréter que tel élève porte un maillot des Pays-Bas innocemment, pour faire du sport, ou parce que sa blondeur serait signe d’une origine batave ; alors que ce brun à la barbe naissante, ne peut porter ce maillot que parce que c’est un signe religieux ostentatoire. Depuis 2004, on vit dans une islamophobie d’atmosphère, comme la formule existe déjà (merci Monsieur Kepel) qui n’est pas sans évoquer un air d’édit de Fontainebleau de 1685. Certains ne comprendront pas ce rapprochement, pourtant, rien qu’à titre personnel, dans ma famille et chez mes amis musulmans, la question de quitter la France se pose depuis au moins, une décennie. A l’heure où je pose une dernière main sur cet article, le RN vient de remporter les élections européennes, avec 32% des voix. Le président vient de dissoudre l’assemblée nationale, à quelques semaines des prochaines élections législatives anticipées (prévues les 30 juin et le 7 juillet), l’avenir paraît encore plus incertain que jamais.
Tout cela est beau et bien, mais quel rapport avec le livre d’Étienne Delarcher et du discours des responsables religieux musulmans en France ? C’est simple, si vous vous lancez dans une entreprise de relecture critique, et que cette relecture aille dans le sens d’une plus grande harmonie et d’un accord avec la déclaration des droits de l’Homme, et surtout la loi française, ce qui serait vécu comme une avancée et un triomphe pour la Place Beauvau et notre ministre des cultes ; cela pourra être vécu comme une trahison, un acte de soumission et de renoncement à soi dans une ambiance où on a l’impression que de plus en plus de monde attend le son du tocsin le soir du 24 août. Des partis politiques se sont créés et leurs fondateurs multicondamnés pour appel à la haine, mais ils sont toujours là. Et nous (musulmans), devons accepter cela. Je suis moi-même engagé parmi les réformistes, ceux qui appellent à un aggiornamento de la théologie islamique, des pratiques, discours et enseignements. Mais j’avoue qu’en ce moment, je ne suis pas enthousiaste. Non que je crois avoir tort, je crois que Dieu nous a donné la raison pour qu’on l’utilise, mais je crois aussi que pour nombre de partisans des Guises modernes, que je sois réformateur ou salafiste, ou soufi ou philatéliste…je suis avant tout musulman, et donc, je pose problème.
D’aucuns naissent posthumes
Dans ce contexte, le changement ne sera ni évident, ni spectaculaire, ni rapide. Il prendra beaucoup de temps, j’ai parfaitement conscience de travailler (moi et mes alliés en vérité) pour les oreilles de demain, comme disait Nietzsche, « d’aucuns naissent posthumes » ajoutait-il. Le temps est notre seul allié, il est puissant, mais encore faut-il qu’il puisse s’installer sans qu’on le précipite comme on a pu le faire dans une nuit noire d’été 1572. Sans aller jusqu’à ses proportions, disons, d’aller dans cette logique. Beaucoup se contenteraient d’une expulsion massive. Que tous ceux, de bonne volonté, ou de moyenne bonne volonté, qui réfléchissent à la question de l’islam en, de, France, musulmans ou non (surtout « ou non »), prennent en considérations ces données dans leurs réflexions.
Le 7 octobre dernier, l’organisation islamiste palestinienne Hamas, a lancé une attaque violente contre des territoires israéliens limitrophes de sa base dans la bande de Gaza. Cette attaque ne s’est malheureusement pas limitée à des objectifs militaires, puisque les combattants du Hamas s’en sont pris à des civils, hommes et femmes désarmés, mais aussi et surtout, enfants et même personnes âgées. Ce qui aurait pu être une opération militaire attendue dans un cadre de lutte contre l’occupation, s’est transformée en crimes de guerre, et en une boucherie immonde. Bilan : 1.400 morts et plus de 230 personnes, de toutes conditions, sexe et âge, kidnappées. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Quelques jours plus tard, comme cela était prévisible, Israël s’est mis a bombardé massivement et sans distinction, la bande de Gaza, non sans avoir commis un premier crime de guerre au préalable : couper l’eau, l’électricité, et le carburant de la bande de Gaza. Dans un territoire de de 365 m3, comprenant plus de deux millions d’individus, soit l’une des régions les plus densément peuplées du monde, les bombardements aveugles des israéliens se transforment en une succession de massacres successifs des populations civiles palestiniennes. A l’heure où j’écris ces lignes, le bilan des personnes tuées (sans compter les blessés), se situerait entre 7.000 et 8.000 morts.
Après ces bilans de l’horreur, nous voici arrivés au constat des abjections. La réaction des pays occidentaux, des pays dits « libres et démocratiques », en soutien total et aveugle aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité d’Israël. En France, cela a même donné lieu à des engagements et des propos immondes de la part de personnalités politiques et médiatiques, par ailleurs plutôt sympathiques. L’engagement des pays d’Occident envers Israël a tellement été aveugle, que face à la multiplication des horreurs de l’État hébreu, certains en Occident, commencent (enfin) à se poser des questions. La deuxième abjection à laquelle nous avons à faire face, c’est la multiplication des actions antisémites en France et ailleurs. Depuis le 7 octobre, on dénombre 857 actes antisémites, soit le double des actes de même nature pour toute l’année 2022 (chiffres Statista.com). Ces actes qui s’attaquent aux juifs sans distinction sont horribles et doivent être condamnés. Leurs auteurs, quels qu’ils soient, poursuivis par la justice. La troisième abjection, c’est la libération de la parole de racistes anti-arabes et islamophobes qui ont voix au chapitre, et que l’on entend dans les médias français. Dans le même registre, les journalistes français ne se rendent pas compte de leurs préjugés, et montrent à quel point ils considèrent tout ce qui relève de l’arabité et de l’islamité comme étrangers, comme alien, et comme, in fine, dispensables.
L’abjection du 7 octobre
Le 7 octobre dernier, les crimes commis par le Hamas ont déclenché beaucoup de choses. D’abord, mon soutien indéfectible, total, sans réserve à la cause palestinienne et aux palestiniens, ne m’empêche pas d’être critique envers les actions entreprises au nom de cette cause. Or l’attaque contre des civils désarmés est inacceptable, horrible et inadmissible. Outre les raisons d’avilissement morales que cela représente, c’est aussi parce que genre de traitements et d’habitude l’apanage des troupes d’occupation israéliennes. Depuis 1948, les Palestiniens ont à subir exclusion, emprisonnement sans procès, exécutions sommaires, traitements dégradants, femmes enceintes bloquées dans les checkpoints jusqu’à ce que mort s’en suive etc. Être victimes de montres, ne doit pas nous transformer en monstres. Mais c’est facile à dire depuis Paris. Que dirais-je si je vivais dans cette « prison à ciel ouvert » qu’est la bande de Gaza depuis 2005 et l’évacuation de Tsahal et des colons nationalistes ? Si j’avais eu à subir ce qu’ils ont subi, j’aime à croire que cela n’aurait rien changé. Comment passer sous silence le fait que le traitement inhumain des Palestiniens de Gaza est voulu par la droite (et l’extrême-droite) israélienne depuis plus de vingt ans. Renforcer les extrémistes du Hamas pour affaiblir le Fatah, seul interlocuteur de paix palestinien, dans le but de prévenir l’instauration d’un État palestinien. Cela a un coût. Le Hamas aurait marqué un grand coup militaire et politique en ne s’attaquant qu’à des troupes militaires et armées, et non à des civils. En s’attaquant aux civils, ils ont avili leurs propres conditions d’êtres humains, mais ont, en même temps, fourni un prétexte à Israël pour se déchainer contre les populations civiles palestiniennes.
L’abjection antisémite
Cela peut-il justifier les actions antisémites que l’on voit perpétrées en France et ailleurs depuis le 7 octobre dernier ? Jamais et en aucun cas. D’abord et avant tout, parce qu’il est criminel et immonde de s’en prendre à une personne parce qu’elle est…née. On peut s’opposer à un projet politique, philosophique, même religieux, mais par la confrontation d’idées, et le respect de la dignité de chacun. Mais identifier les juifs dans leur ensemble à l’État d’Israël, c’est comme identifier tous les musulmans aux actions de l’Arabie saoudite ou à celles de l’Iran. Cela n’a pas de sens. L’Arabie saoudite ou l’Iran sont à des années lumières de représenter les musulmans dans leur ensemble. Même chose pour Israël. Israël n’est ni le judaïsme, ni les juifs dans leur ensemble. Combien de juifs, en Israël et ailleurs, condamnent et luttent pour le droit des Palestiniens. Combien en ont même parfois payer un prix fort. Les juifs qui sont conscients des réalités et qui ont à cœur le droit des palestiniens doivent être leurs premiers alliés. Ce qui s’est passé dans la Caucase russe au Daghestan est atroce. S’attaquer à des personnes qui débarquent d’un avion en provenance de Tel Aviv sous prétexte qu’ils seraient coupables de complicité, à minima, des crimes commis à Gaza es stupide, faux, et juste un prétexte pour exister. D’autant plus qu’ils ont commis leurs forfaits sous la fausse excuse de la défense de l’islam. Crime horrible, crime doublé par l’association calomnieuse de leurs actes ignobles avec notre religion. Religion qui ne saurait être associée à un quelconque acte de haine. L’islam a trop eu à subir des associations avec toutes sortes de crimes ignobles commis par des « défenseurs de la foi » aussi immondes que Daesh, al Qaida, ou maintenant tous ces criminels antisémites.
L’abjection islamophobe…
Les événements du 7 octobre plus les actions antisémites commis ces derniers jours ont libéré la parole à bien du monde. Politique, hommes et femmes médiatiques, artistes parfois, beaucoup se sont laissé aller à dire ce qu’ils pensaient. Nous avons eu le droit à des expressions comme « antisémitisme couscous » d’un éditorialiste de LCI, ou encore des propos pus problématiques d’Arno Klarsfeld, avocat franco-israélien, qui, sur le plateau de Cnews (voir ici) laisse entendre qu’en cas de « mot d’ordre », des musulmans qui ont accès à des chantiers, et donc à « des explosifs et des armes à feu » (sic) pourrait s’attaquer aux juifs. Comme si les musulmans constituaient une cinquième colonne prête à agir en France contre des gens parce que juifs. Évidemment, personne n’a réagi sur le plateau, en tout cas pas tout de suite. L’engagement total de la présidente de notre Sénat national dans son soutien à un pays étranger qui commet un crime de guerre selon l’ONU et les ONG comme Human right Watch ou Amnesty international, ne cesse de questionner. Madame Yaël Braun-Pivet dit que « rien ne doit empêcher Israël de se défendre. Il y a, comme dans tous les conflits, un attaquant et des attaqués », sous-entendu ici que c’est Israël qui est attaqué. Comme si, avant le 7 octobre, tout allait bien. Qu’il n’y avait aucune violation des droits de l’Homme dans la bande à Gaza et que les Palestiniens vivaient heureux et comblés… Comment peut-on tenir des propos aussi hors-sol ? Comment peut-on se montrer aussi insensible aux souffrances des populations civiles sous prétextes qu’elles serviraient de « boucliers humains à Hamas ». A considérer que cela soit vrai, cela justifie-t-il de tuer des civils innocents ? Non, jamais. Cela étant dit, on peut s’opposer aux propos de Madame Braun-Pivet, mais là encore, s’attaquer à elle, à sa judaïté réelle ou supposée, la menacer de mort ou autre atteinte à sa dignité est intolérable et inacceptable.
Quand on se veut meilleurs, plus justes moralement ou éthiquement, on prêche par l’exemple, non par la véhémence et les propos haineux. Les gens qui luttent pour que la souffrance des Gazaouis soit prise en compte n’ont pas besoin de perdre du crédit à cause d’insultes et de menaces déplacées vis-à-vis de personnes avec qui on diverge. Tout le terrain médiatique a montré à plusieurs reprises à quel point nous avons fort à faire à devoir inscrire la réalité des souffrances gazaouis comme étant simplement des souffrances humaines et non statistiques.
…et impensée
Les médias ont été particulièrement révélateurs de ce traitement différencié entre souffrances humaines des victimes israéliennes du 7 octobre, avec des reportages donnant des noms aux victimes, faisant parler leurs proches, diffusant des images-vidéos amateurs d’anniversaires ou d’événements familiaux et amicaux. En même temps, quand on parle des victimes de Gaza, on parle de manque de moyens de subsistance, il y a des chiffres, nombre d’habitants, nombre de blessés, éventuellement, nombre de morts, toujours en précisant que ce sont « les chiffres du Hamas », comme si, tout cela restait quand même discutable. Mais qu’est-ce que ce « tout cela » ? Ce « tout cela », c’est la réalité des pertes et de la souffrance de la population civile à Gaza. Des familles entières sont décimées sous nos yeux, mais personne en Occident ne dit rien. L’administration américaine pense qu’une trêve bénéficierait au Hamas, elle n’a pas dit qu’elle ne bénéficiera pas à la population civile. Mais pour les Américains, il vaut mieux exterminer le Hamas en exterminant au passage tout ou partie de la population gazaouie que sauver des vies. Cette insensibilité américaine, on l’a aussi vu sur les plateaux de France 5 quand une journaliste franco-américaine s’est presque effondrée en direct sous l’émotion du sort des victimes israéliennes du 7 octobre (chose compréhensible), mais est restée quasiment de marbre devant les informations des pertes de populations civiles à Gaza. Heureusement, il y a aussi des Américains, juifs, qui ont fait entendre leurs voix en s’opposant à la politique israélienne, et qui sont parfaitement conscients de la souffrance des femmes, des hommes, et surtout des enfants de Gaza. On estime que le tiers des tués dans cette prison à ciel ouvert est constitué d’enfants. Le Jewish Voice for Peace de New York City, l’organisation juive pour la paix américaine à rappeler cette vérité aux consciences US (lire ici).
Chose que Rony Brauman a dû faire avec David Pujadas, qui après avoir dit que Israël, « certes, tue des civils mais ne les vise pas », contrairement au Hamas qui semblait viser « délibérément » les civils. Rony Brauman, très pédagogiquement rendit la vue à Monsieur Pujadas : « On a vu des quartiers entiers aplatis sous des milliers de tonnes de bombes (…) on ne vise pas une population là ? » avant de poursuivre, « le président Herzog (président d’Israël, ndr) qui était avec sa réputation de sage, en recul, nous explique que, “à Gaza, il n’y a que des complices des terroristes, il n’y a pas d’innocents“, je le cite. Alors là, c’est le feu vert à tous les massacres. Puis il conclut : « le colonel Rafowicz, porte-parole de l’armée israélienne, disait hier qu’ils s’engagent dans une guerre totale. Là aussi, on ne fait pas de quartier. Donc qu’on ne me dise pas que d’un côté on vise délibérément des civils, et que de l’autre on s’excuse de faire quelques dégâts au passage, mais qu’on vise seulement des méchants. Ça n’est pas la guerre de la lumière contre les ténèbres, la guerre du bien contre le mal, contrairement à ce qui est dit si souvent. »
Les émotions sont encore à fleur de peau. La réflexion, c’est-à-dire, la capacité de remettre en question ses propres pensées et actions, n’est pas encore chose facile. Mais il va bien falloir tempérer les émotions par la raison. Sans pour autant anesthésier notre coeur, qui est, selon les enseignements coraniques, aussi la source de cette même raison. Ainsi, comme le disait l’imam Ali (as), premier transmetteur après le prophète Muhammad (sawas) -qui en est le point de départ- de notre foi: « La générosité d’âme (al-hayâ) est une grande couverture/ et la raison (al-aql), une épée tranchante. Couvre les petits défauts de ton âme avec ta générosité/ et tranche les impulsions [dangereuses] de ton âme avec ta raison. »
الحياء غطاء ساتر، و العقل حسام قاطع
فأستر خلل خلقك بحياك، و قاتل هواك بعقلك
Ce texte a été publié sur le site lamosqueefatima.com le 22 février 2021.
Depuis quelque temps, le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’étale sur tous les médias. La raison ? Sa proclamation d’une charte de dix articles, dite « pour un islam de France » dans laquelle il admet la parfaite compatibilité entre les valeurs de l’islam et celle de la république. Cette charte sera même paraphée et appliquée par le Conseil national des imams (CNI), nouvel organe lié au CFCM, et comme ce dernier, fortement souhaité par les autorités publiques.
Une liaison dangereuse
Si la charte en elle-même ne me pose pas vraiment de difficulté, moi musulman considéré comme libéral, elle m’interpelle néanmoins sur bien des aspects. D’abord, tout ce travail du CFCM est le produit d’une commande de la présidence de la République. Après le meurtre abject du professeur Samuel Paty en octobre dernier, les autorités publiques ont voulu que l’islam de France s’organise. Comme si les deux choses étaient liées. Comme si une bonne organisation des musulmans aurait pu empêcher le meurtrier de ce malheureux professeur d’agir de son côté. Par quel miracle un attentat terroriste abject fait au nom de l’islam, peut-il avoir un rapport avec l’organisation des musulmans en France ? Par quel réflexe passe-t-on de l’un à l’autre ? D’autant plus, que le terroriste en question, n’avait pas vraiment de lien avec l’islam institutionnalisé. Ce jeune homme, s’était mis en contact avec des radicaux établis en Syrie via internet.
À moins de penser qu’il y a un rapport entre la vie cultuelle islamique banale et le terrorisme islamiste ; ce qui serait une liaison dangereuse et pour le moins problématique, je ne comprends pas cet empressement à vouloir doter l’islam de France d’institutions artificielles. Autre problème, déjà soulevé par l’imam de Bordeaux, Monsieur Tareq Oubrou, celui relatif au rapport à la théologie. Car en effet, comment penser qu’une charte liée à la compréhension de la religion musulmane en France, et à un conseil national des imams, puisse ne pas avoir de rapports avec la question théologique ? Or, à notre connaissance, aucun théologien n’a participé à la rédaction de ce texte. Celui-ci est le produit du travail des notables du CFCM, dont aucun n’est théologien.
CFCM VS Français musulmans
Sous quels soubassements théologiques les rédacteurs de la charte se sont-t-ils donc appuyer pour justifier leur prise de position ? Admettre le libre arbitre, l’égalité homme femme, la validité de la diversité des opinions islamiques, rien de tout cela n’est anodin. Certaines de ces questions ont donné lieu à de longues controverses à travers les siècles de l’histoire islamique. Mais tout cela a été résolu dans une déclaration de dix articles. Des siècles de controverses, de polémiques et parfois de violences, réglés grâce à un coup de baguette magique. La question étant de savoir l’identité du sorcier et où il se trouve : à Alger, Rabat, Ankara, ou à l’Élysée. Ce qui est sûr, c’est que les Français musulmans eux, sont absents du texte.
Mais à y regarder de plus près, jusqu’à quel point ces engagements pris par les responsables du CFCM pourront-il avoir un impact dans la vie culturelle des mosquées qui lui sont affiliés ? En effet, d’après la charte, faut-il comprendre que les fédérations et les associations musulmanes devront agir pour permettre à des femmes d’accéder aux mêmes fonctions que les hommes, que ce soit dans l’administration des mosquées, ou encore dans l’imamat ? Le CFCM préconise-t-il que des femmes puissent être imames ? Cela, le CFCM ne le dit pas explicitement, mais on peut penser que c’est le cas en lisant le texte de la charte. Néanmoins, je ne suis pas naïf à ce point. Je ne pense pas que le CFCM aille jusqu’à reconnaître aux femmes le droit à l’imamat.
Comment croire sincèrement à une déclaration qui se veut tournée vers l’islam de France alors qu’elle a été promulguée par des représentants de l’islam consulaire. C’est-à-dire d’organisations religieuses inféodées à des puissances étrangères. Comment défendre un attachement viscéral à la France et vouloir disqualifier des groupes ou associations à cause de leur proximité réelle ou supposée avec des puissances étrangères, alors qu’on est soi-même les porte-voix de l’Algérie, du Maroc, ou encore de la Turquie ? Enfin, comment prendre au sérieux le fait de placer le mouvement Tabligh parmi les tendances politico-religieuses ? Alors que ce mouvement est surtout réputé pour son orthopraxie et son refus de se mêler des questions politiques.
Admettre le libre arbitre, le droit à un libre examen, penser la possibilité de nouvelles pratiques, le CFCM aurait-il adopté une approche théologique rationaliste ? Ou finalement, cette charte n’est-elle qu’une réponse à une commande et qui sera oublié à peine signée et approuvée par le commanditaire ? En dernière analyse, quelle force accorder à un tel document sachant le peu de crédit des auteurs, ni théologiens, ni libérés de puissances étrangères ? Pour moi, et je parle en mon nom propre, cette charte, mais aussi le CNI et tout le CFCM, n’ont pas de valeur réelle. Les Français musulmans doivent continuer à œuvrer comme ils le font déjà. En bâtissant petit à petit et « vingt fois remettre le cœur à l’ouvrage » loin des approbations des capitales de pays étrangers, et même de Paris. Car nous sommes, nous Français musulmans, déjà une réalité…française.
La présente analyse fait suite à la vidéo live que j’ai eu le plaisir d’animer avec Omero Marongiu-Perria sur le groupe Facebook« Le Débat Continu ».
La question, éminemment intéressante, permet de réévaluer la place de l’Homme sur Terre. Le monde animal, quant à lui, dispose d’une place toute aussi incertaine que je vais tenter d’expliciter par l’entreprise des sources musulmanes.
Il est en effet de coutume de penser que l’islam intègre le règne animal dans le but unique de servir l’être humain qui lui est supérieur tant au niveau de l’intelligence que de la conscience. C’est en effet le cas dans le sunnisme traditionnel (que j’appellerais tradition) qui réduit l’animal à de la nourriture, un moyen de transport ou un vêtement. Ce n’est d’ailleurs pas le cas du seul sunnisme, une très grande partie de la population mondiale se reconnait, peu ou prou, dans cette vision.
Un ouvrage très documenté de Pierre LORY (La dignité de l’Homme, face aux anges, aux animaux et aux djinns, Albin Michel, Février 2018) nous expose un angle de vue islamique presque jamais analysé dans la littérature contemporaine. L’islamologue spécialisé en mystique musulmane réanalyse la problématique en citant principalement des sources tant sunnites traditionnelles, que mutazilite ou mystique.
Coran
Tout d’abord, rappelons que le coran ne dispose pas moins de 6 sourates à consonance animale : vache, bestiaux, abeille, fourmi, araignée et éléphant. Celles-ci ne parlent pas spécifiquement du règne animal. Il y a d’ailleurs évocation de ces derniers indistinctement dans le coran. Il est d’ailleurs curieux de constater que la tradition prend spécifiquement un verset pour justifier la réduction du monde animal :
« Sourate 22 (le pèlerinage), verset 65
N’as-tu pas vu qu’Allah vous a assujetti ce qui est sur la terre ainsi que le vaisseau qui vogue à travers la mer par Son ordre ? »
Néanmoins, les versets qui parlent des animaux sont légion et bien plus subtils que ce que laisse entendre ce seul verset.
Le corbeau et le chien
A titre d’exemple, deux animaux ont eu une mission spécifique qui tranche avec leur supposée manque de conscience.
Tout d’abord, le cas du corbeau, cité au verset 31 de la sourate 5. Celui-ci a été envoyé par Dieu pour apprendre à Caïn (Qabīl) comment enterrer son frère assassiné. Sa fonction fait figure d’enseignement à l’Homme qui débute sa longue mission sur Terre.
Ensuite, le cas du chien des Gens de la Caverne est plus intéressant à analyser. L’histoire de la Caverne, décrite dans la sourate éponyme, parle d’un groupe de croyants pieux ayant échappés à un dirigeant tyrannique pour se réfugier dans une caverne et y dormir quelques temps.
Le chien ici a un rôle de gardien, protégeant ainsi les Dormants de toute attaque. Comment cet animal peut-il avoir telle fonction, lui qui est foncièrement impur et qui éloignerait tout ange tant qu’il investit une demeure ? La traditionest unanime pour affirmer le caractère impur et malsain des canidés. Al-Boukhārī, dans ses hadiths 5480 et 5482 rapporte ceci :
« Celui qui possède un chien, à moins qu’il soit réservé à la chasse, à la garde du troupeau ou des terres, voit sa récompense [note : au jugement dernier] diminuer chaque jour d’un qirāt.»
[Note : Le qirāt est une unité de masse arabe, d’où viendrait probablement le « carat ». Cela correspondrait à la masse d’une graine de caroubier.]
Comment concilier cette sourate avec toute la tradition qui se résume dans le hadith en supra ? Certains exégètes vont même jusqu’à nier qu’il s’agissait d’un chien : « kalb » serait alors un prénom humain ! Tout ceci laisse à penser les exégètes sont gênés à l’idée de la présence d’un chien dans un récit aussi sacré. Quoi qu’il en soit, Fakhr ad-Dīn ar-Rāzī (m. 1210) et Qurtubī (m. 1273) citent Ka’b al-Ahbār (m. 652), selon lequel le chien aurait dit : « Que me voulez-vous donc ? Ne craignez rien de ma part. J’aime les aimés de Dieu. Dormez, afin que je monte la garde pour vous ! ».
La tradition va finalement opter pour une figure d’exception, exception qui confirme bien entendu la règle. On peut aussi ajouter la théorie du « takwin », ces animaux ayant été téléguidés par Dieu afin d’assurer une mission spécifique.
« Don » de la parole
L’eschatologie musulmane, principalement composée de hadith, affirme que le règne animal connaitra un profond changement à la fin des temps. Les prédateurs côtoieront leurs habituelles proies sans volonté de les manger. De plus, un hadith rapporté par Anas indique que les animaux parleront aux Hommes.
Tout ceci nous apprend qu’il y aura un éveil de ces animaux, on ne prend pas alors de risque pour affirmer que ceux-ci seront alors dotés de raison.
Cependant, cette vision pose forcément problème tant elle s’oppose aux préceptes de base de la tradition. En effet, un « consensus » voudrait que les seuls responsables devant Dieu (mukallafūn) soient les djinns, les hommes ainsi que les anges. Les oiseaux du temps de Salomon avaient aussi la faculté de parler, est-ce une preuve de raison ? Rāzī (m. 1210) affirme que ces oiseaux avaient l’intelligence d’un enfant, ce qui retirerait à ces animaux la faculté d’être responsables.
De plus, la parole comprise par l’Homme ne peut pas constituer une conscience. Qurtubī (m. 1273), arrive quant à lui à la conclusion que l’animal a conscience d’être créé et que Dieu est unique, mais que l’être humain ne peut pas comprendre le langage qui est propre à eux.
Communautés religieuses
Un verset peu cité expose ceci :
Sourate 6 (les bestiaux), verset 38
« Aucune bête sur terre, ni oiseau volant de ses deux ailes, qui ne constitue des matries [Note : communautés religieuses. Le terme « oumma » est cité ici] semblables aux vôtres. »
Les animaux constitueraient des oumma ? Jusqu’ici, tout va bien et rien ne pourrait choquer les oulémas. C’est sans compter sur sa possible combinaison avec le verset 24 de la sourate 35 (différenciateur) :
« Vraiment, c’est Nous qui t’avons envoyé par la Vérité comme annonciateur et avertisseur. Or, aucune matrie [Note : communautés religieuses. Le terme « oumma » est également cité ici] n’a passé sans avoir eu un avertisseur en son sein ».
Ici, le problème est bien plus épineux. Les animaux auraient-ils des annonciateurs et messagers parmi eux ? Ceci ne peut se concevoir du point de vue de la tradition. En effet, ce qui a besoin d’un annonciateur est doté d’une conscience théologique. Or, les animaux ont toujours été exclus de cette équation. Ce paradoxe n’a jamais vraiment été traité par les théologiens.
Paradis et enfer
A noter que Dieu indique dans le même verset 38 de la sourate 6 qu’il y a résurrection pour les animaux, et ce sans préciser ce qu’il adviendra par la suite :
« Nous n’avons omis aucune chose dans l’Ecriture. Puis-ils seront réunis auprès du Seigneur. »
Tout d’abord, la plupart des théologiens affirment que les animaux ne sont dotés que par une âme vitale (nafs) et ne sont donc pas dotés du rūḥ (esprit), qui lui est propre à l’Homme. Ceux-ci affirment également que les animaux redeviendront poussière après la résurrection, à l’image de Muqātil (m. 767) qui popularisera cette position. Des hadiths viennent aussi appuyer cette version.
La tradition écrite (hadith) regorge pourtant d’exemples d’animaux présents tant au paradis qu’en enfer. Certains ont évacué le premier problème en indiquant que ces animaux sont nés dans ces contrées paradisiaques et sont présents uniquement pour servir l’Homme. On réutilise l’argument premier de la supériorité hiérarchique des bipèdes imberbes.
Les mu’tazilites émettent une position originale : Dieu ressuscitera les animaux qui ont souffert pour leur offrir une compensation ; puis les fera vivre au Paradis si bon lui semble, ou bien les fera mourir. Dieu ne pouvant en aucun cas contredire sa propre justice et laisser pour compte les êtres qui sont souffert sur Terre.
Cette position qui contredit fortement la vision acharite de Rāzī (m. 1210) et Qushayrī (m. 1074) qui affirment que la règle de la Justice divine ne s’impose pas à Dieu.
Nazzām (m. entre 835 et 845), célèbre mu’tazilite, indique que tous les animaux iraient au Paradis, car que pourrait-on reprocher comme transgression aux animaux ? Par cette assertion, on comprend dès lors qu’il assimile la théorie des animaux semblables aux enfants tout en allant au bout du raisonnement.
Le cadi Abd al-Jabbār (m. 1025) précise que la souffrance imposée par Dieu a un but, un sens, sinon elle serait une absurdité. Dieu a imposé la Loi aux hommes pour donner une récompense à qui suivra cette Loi. Pour cela, l’Homme doit être responsable de ses actes (mukallaf). Les fous, les enfants ainsi que les animaux forment une autre catégorie qui eux recevront une compensation du mal subi.
Al-Jāhiz (m. 867), autre théologien mu’tazilite, fait écho d’une position courante que les animaux féroces, nuisibles ou prédateurs, ne souffriraient pas en enfer mais laisseraient libre court à leur nature en faisant souffrir les damnés. Néanmoins, le cas est plus insoluble reste quand même la présence d’animaux en enfer, et ce tel que l’affirment nombre de hadith. Comment des animaux peuvent vivre dans un lieu si laid s’ils ne sont pas responsables devant Dieu (mukallafūn) ?
Destin croisé ?
La question s’est posée plus d’une fois tellement les textes entrecroisent le devenir des deux catégories. Dieu a puni les êtres vivants lors du Déluge, et ce par la seule faute des hommes. Les différentes races d’animaux ont été certes sauvés par l’Arche de Noé, mais la souffrance qu’ils ont dû subir est bien de la faute des seuls hommes. Paradoxe ultime si on estime que les animaux disposent d’une conscience théologique.
On peut l’expliquer d’une certaine manière, et ce comme le préconise Omero Marongiu-Perria dans la vidéo citée en tout début de texte :
« Les actions des êtres humains ont une conséquence dans le monde, à la différence des autres éléments de la création. L’être humain a accepté de prendre le dépôt, ce qu’ont refusés les autres éléments de la création qui ont vu les conséquences de cet acte. »
Et l’Homme dans tout cela ?
L’Homme est considéré, par un large consensus, comme unique dans la création. Il dispose du dépôt et est le « khalif » de Dieu (successeur, vicaire ou lieutenant) sur Terre :
Sourate 2 (la vache), verset 30 :
Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges: « Je vais établir sur la terre un vicaire » ».
Par la suite, les anges émettent une remarque :
« Ils dirent : « Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ? » – Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas !». »
Ce verset indique sans équivoque que l’Homme dispose d’une fonction spécifique sur Terre, bien que nous ignorions réellement celle des animaux et autres éléments de la création. Par ce dépôt, la responsabilité de l’avenir de la Terre dépend clairement des hommes. Le réchauffement climatique est du fait de l’Homme, la déforestation l’est aussi, ainsi que l’extermination de certaines espèces animales et végétales.
Un fait est indéniable : plus l’être humain se multiplie, plus nous sentons son impact sur Terre. A titre d’exemple, la simple fête de l’Aïd al-Adha fait mourir un nombre très important de bêtes, et ce sans oublier l’impact sans précédent sur l’écologie : les cargos transportant des centaines de milliers de bêtes au même moment. Au-delà cette question spécifique, la surconsommation de viande fait poser le même problème.
Nous devons revoir notre relation au monde animal par l’entremise de cette responsabilité et non s’attacher de manière passionnée et irraisonnée aux traditions qui reflètent une autre réalité, celle ou l’Homme n’était pas aussi important sur Terre.
Comme chaque année nous avons fêté dimanche 11 août dernier, l’ʿAïd al-aḍḥā « la fête du sacrifice ». Cette fête, est avec celle qui clôture le mois de jeûne de ramadan, l’ʿAïd al-fitr « la fête du ”manger” », l’une des fêtes majeures de l’islam. Comme chacun sait, les croyants sacrifient un mouton en mémoire de la geste d’Abraham telle que rapportée dans les récits biblique et coranique. Dans cette geste, Abraham était sur le point d’égorger son fils pour honorer Dieu. Mais un ange vint lui livrer un mouton pour le substituer au fils promis en holocauste. Ainsi, chaque année, un nombre important de musulmans commémore cet épisode de la prophétie, dont le principal enseignement pour la plupart d’entre eux, relève de l’obéissance absolue d’Abraham envers son Seigneur….Et pourtant, une relecture du récit coranique invite à une compréhension plus nuancée du texte, et donc, déduit une sagesse différente de celle généralement admise.
Le vendredi 1er février, deux « chercheurs » du CNRS, Sylvie Taussig et Karim Ifrak, ont cru bon de publier un article sur les deux projets de mosquées dites progressistes, libérales, ou inclusives, actuellement à l’étude dans la région parisienne.
Nous nous sommes aperçu que nous n’avions pas présenter ce qui constitue le fondement de notre approche hanafite-mutazilite comme voie de réalisation de notre islam. Avec ce présent document, nous espérons que ce manque sera comblé.
Et Dieu créa l’Homme… Par la simple phrase « Sois, et il fut ! », Il le créa. À partir d’une argile brute, tel un sculpteur, Il le façonna, harmonisa et affina sa forme. Il lui insuffla ensuite Son Esprit (al-rûh). Qu’est-ce que ce souffle divin ? Et s’Il était ce qui nous permettrait d’échapper à notre créateur ? Si nous avions en nous cette graine divine qui nous offre une infinité de possibilités pour prendre notre autonomie ? Et si ce souffle était notre outil pour renouveler la face de la terre ?
Une fois cette création de l’Homme terminée, Dieu décida une chose totalement farfelue au premier abord : Il nomma Adam son héritier, c’est-à-dire son successeur sur terre (khalîfa) (Coran, II, 30-34). Il accepta que l’humanité se charge du dépôt confié (al-amâna) (Coran, XXXIII, 72). Les Anges mirent en garde Dieu en lui disant que l’Homme ne fera que répandre le sang et la corruption sur terre et qu’il sera incapable d’être digne de cette confiance. Et pourtant, Dieu continua et leur demanda de se soumettre à Sa décision en leur demandant de se prosterner devant Adam ; ce qu’ils firent, sauf Iblîs qui refusa de se prosterner devant un être aussi vil et aussi peu digne de confiance que l’Homme.