La reconnaissance de quatre principes fondamentaux détaillés ci-dessous est ce que l’on appelle l’humanisme, ils sont le socle sur lequel la pensée rationnelle peut se structurer. Les reconnaître comme fondamentaux est une première étape vers une conception ouverte du rationalisme mutazilite.
La raison étant l’outil ultime, elle sera pertinente pour nous faire faire la différence entre ce qui construit ou détruit l’humanité, entre ce qui est convenable de faire et ce qui ne l’est pas pour le Seigneur, entre ce qui est de l’ordre du temporel et ce qui relève de l’atemporel.
Un humanisme coranique
Voici ces quatre grands principes humanistes :
- La dignité des êtres humains,
- L’égalité fondamentale de tous les êtres humains,
- L’universalité des droits de l’individu,
- La liberté fondamentale de pensée, de conscience et de croyance.
En se basant sur le Noble Coran, il vient en premier lieu à l’esprit :
« Nulle contrainte en religion. » (2:256)
Rien que ces quatre mots divins en disent plus qu’un long discours. Nous ne pouvons contraindre à croire, à suivre et pratiquer notre foi. Cette phrase nous montre que la foi est personnelle et qu’en aucun cas on ne peut l’imposer. D’autres passages coraniques vont dans ce sens et appuient même cette idée de liberté religieuse absolue :
« Par la sagesse et la bonne exhortation appelle les gens au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son Sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés. » (16:125)
Ou encore :
« Et dis : La vérité émane de votre Seigneur”. Quiconque le veut, qu’il croie, et quiconque le veut qu’il mécroie. » (18:29)
Une fraternité universelle
Ensuite, pourquoi le Seigneur aurait-il chassé Satan du Paradis ? N’est-ce pas parce qu’il a refusé de se prosterner devant l’être humain, khalife de Dieu sur terre, c’est-à-dire non pas un lieutenant mais un successeur pour qu’à son tour il crée les conditions les plus favorables au respect de toutes les créatures ?
Quand Dieu nous parle à travers de la métaphore de l’argile, duquel nous fûmes créés, n’est-ce pas pour nous dire que nous sommes liés à cette planète et avec toutes ses créatures ? Pourquoi alors, au nom même de Dieu, pourrions-nous opprimer, contraindre, obliger, persécuter d’autres hommes et femmes ? Alors que de toute évidence, Dieu aime plus les hommes que les anges, car il a nommé l’homme et non un ange son khalife. Quelle justification coranique peut-on trouver à toutes ces injustices commises au nom de Dieu ?
Il est une évidence que l’humanisme est contenu dans le Coran, que le respect de ces valeurs de justice, d’équité sont totalement au cœur du message de la révélation. Ces mêmes valeurs ont aussi habité les premiers croyants, on peut citer Alî ibn Abî Tâlib, gendre du Prophète :
« Nous sommes frères en humanité avant d’être frères en religion”
Ou même la constitution de Médine dans laquelle un article stipule :
« Les juifs qui sont avec nous recevront de l’aide et seront traités de façon équitable. Ils ne seront point lésés et aucun soutien ne sera apporté à leurs ennemis. »
On peut également citer la lettre du prophète aux chrétiens de Nasjran:
« Ceci est un message de la part de Muhammad ibn ʿAbd Allâh, constituant une alliance avec ceux dont la religion est le christianisme; que nous soyons proches ou éloignés, nous sommes avec eux. Moi-même, les auxiliaires [de Médine] et mes fidèles, nous nous portons à leur défense, car les chrétiens sont mes citoyens. Et par Dieu, je résisterai contre quoi que ce soit qui les contrarie. Nulle contrainte sur eux, à aucun moment. Leurs juges ne seront point démis de leurs fonctions ni leurs moines expulsés de leurs monastères. Nul ne doit jamais détruire un édifice religieux leur appartenant ni l’endommager ni en voler quoi que ce soit pour ensuite l’apporter chez les musulmans. Quiconque en vole quoi que ce soit viole l’alliance de Dieu et désobéit à Son prophète. En vérité, les chrétiens sont mes alliés et sont assurés de mon soutien contre tout ce qui les indispose. Nul ne doit les forcer à voyager ou à se battre contre leur gré. Les musulmans doivent se battre pour eux si besoin est. Si une femme chrétienne est mariée à un musulman, ce mariage ne doit pas avoir lieu sans son approbation. Une fois mariée, nul ne doit l’empêcher d’aller prier à l’église. Leurs églises sont sous la protection des musulmans. Nul ne doit les empêcher de les réparer ou de les rénover, et le caractère sacré de leur alliance ne doit être violé en aucun cas. Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour Dernier.”
Historiquement l’humanisme n’est donc pas étranger à la Révélation divine, il en fait partie. Si chacun peut croire ou pas alors cela revient à Dieu et non à nous. Que d’aucun ne nous parle de la règle de l’abrogeant/abrogé où les versets les plus tardifs, notamment celui de l’épée, abrogeraient tous les précédents et permettrait aux musulmans de conquérir le monde.
En tant que muʿtazila, aucun verset n’abroge ou n’enlève un précédent, il faut user de la raison, de la logique spéculative, de l’interprétation logique, savoir quand le message est métaphorique ou parabolique et surtout savoir quand nous devenons oppresseur en utilisant le nom de Dieu.
Il s’agit de savoir que l’oppression des hommes ne sert aucunement le dessein du Seigneur. Plutôt que d’user de l’épée, il faut s’adresser à la raison. Il faut convaincre par des arguments et non contraindre par la force et la violence. Utiliser la violence dessert la cause de Dieu parce que les victimes de cette injustice la reporteront sur Dieu, alors que cette violence vient des hommes. Les Hommes font le mal, détournent la parole divine pour du pouvoir, de la reconnaissance, pour conquérir des territoires et contrôler des ressources. Dieu est infiniment juste, pardonneur et miséricordieux. Ne l’oublions pas.
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