
Les gens que nous aimons, nous cherchons les occasions de la fêter, et de marquer l’amour que nous leur portons. C’est vrai pour nos amours, nos parents, nos frères et sœurs, nos enfants etc. Et même la mort n’efface pas la date de naissance d’un être aimé aujourd’hui disparu. Mais alors que dire du Mawlid, littéralement la « naissance » du prophète Muhammad b. Abdallah (sawas). Ce jour est un jour particulier et marquant. En tant que ses descendants spirituels, nous, musulmans, nous nous réjouissons de marquer cet événement.
Un homme comme les autres…
Ceci, ne nous empêche pas de souligner l’aspect problématique à vouloir faire du prophète un être à part ; hors de la condition humaine alors que le Coran s’échine à rappeler la nature profondément humaine du prophète en ses rôles d’annonceur de La bonne nouvelle, la vérité de Dieu et la voie du bonheur possible, et donneur d’alerte (« Nous ne t’avons envoyer que pour porter la bonne nouvelle et donner l’alarme » 25, 56). Et c’est en vertu de sa nature intrinsèquement humaine qu’il est pour nous un modèle possible à suivre, une source d’influence directe et parfaite. Puisque homme, il est faillible, et a commis des erreurs comme nous le rappelle, par exemple, la sourate 80 ‘L’air sévère/Abassa’: « il a pris l’air sévère et s’est détourné, sous prétexte que l’aveugle l’abordait. Comment peux-tu savoir si l’aveugle n’allait pas se purifier, ou pratiquer le Rappel, et que le Rappel lui fût profitable ? » Ce qui est remarquable, c’est que le prophète soit faillible bien qu’il soit le dernier élu de Dieu, le « sceau des prophètes » (33, 40) et donc l’élu (Mustafa) de Dieu, Loin de constituer un défaut, cette faillibilité, devient un atout. Car c’est elle qui lui donne à lui l’occasion de nous montrer à nous, ses disciples à travers les âges, que nous sommes perfectibles ! Son humanité nous ouvre la voie. On peut facilement s’identifier à lui. Alors qu’on aurait plus de mal à reproduire des modèles tout aussi respectables et grands, mais plus problématiques pour nous, car eux ont pu séparer des mers avec un bâton, ou encore ressusciter des morts par imposition des mains. Ces miracles nous sont hors de portée, car réservés à des prophètes et à des moments spécifiques. Le prophète Muhammad (sawas) a pu commettre des erreurs, mais c’est par sa repentance immédiate, sa capacité à les corriger et à montrer ainsi à nous toutes et tous, que nous n’avons pas à être parfaits (« Car l’Homme fut créé faible », 4, 27), parce que nous sommes perfectibles. Faire des erreurs, c’est le propre de l’homme, savoir le reconnaître et les réparer, c’est le propre de la vertu, à commencer par la vertu muhammadienne.
C’est en cela que le prophète Muhammad (sawas) doit être suivi est pris comme modèle. Non pas sur sa manière de se tenir les mains pendant la prière, ou savoir s’il commençait ses plats en mangeant la viande d’abord ou en finissant avec. Et encore moins à savoir s’il avait les cheveux, ou la barbe longue. Car vouloir reproduire ces choses-là, c’est vouloir singer le prophète. Ce n’est pas l’aimer, c’est l’idolâtrer. Le prophète n’était qu’un homme avec ses forces et ses faiblesses. Certes. Mais quel homme néanmoins. C’est son « caractère magnanime » (68, 4) sa « miséricorde pour les univers » (21, 107) qui devraient être pour nous des idéaux à suivre. Singer ne produit que des mécanismes vides de sens. S’inspirer du sens des actions du (et des) prophète, c’est toucher à ce qui motive l’action et nous enrichie en sagesse et en profondeur. C’est ce qui nous éveille à la vie. C’est la raison pour laquelle le prophète Muhammad, en tant que forme de synthèse de l’idée même de Révélation, ainsi en 33, 21 « vous avez en l’Envoyé de Dieu un beau parangon (modèle) pour ceux qui aspirent à Dieu, au Jour dernier et rappellent Dieu sans trêve » (33, 21).
…Enfin, pas tout à fait
En évoquant le prophète Muhammad (sawas), les mots de Lamartine me viennent à l’esprit tellement ils sont magnifiques et sonnent tellement vrais aux oreilles des disciples de notre bien aimé prophète que nous sommes : « si la grandeur du dessin, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? Le plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires, ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur un tiers du globe habité. Mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. Il a fondésur un Livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et la passion du Dieu un est immatériel (…) philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur des dogmes rationnels, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet. À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? » (Alphonse De Lamartine, Histoire de la Turquie, Tome 1, Librairie du Constitutionnel, Paris, 1854-1855, p. 276 à 280).

Réjouissons-nous de fêter la naissance de notre bien aimé, sans tomber dans l’excès de certains, qui à force de vouloir en faire un être à part, finissent par lui faire porter un habit non seulement qu’il n’a jamais revendiqué, mais que le Coran lui-même lui récuse. C’était un être humain faillible, mais avec une éthique et une bienveillance incroyable. En niant son humanité, c’est le sens même de son message que l’on nie, la prophète Muhammad (sawas) a dégagé les dernières scories qui obstruaient la voie qui mène à Dieu. En se liant au prophète, on se lie à Dieu, car le chemin du prophète mène à celui de l’Un. Et puisque Dieu a choisi le prophète pour cette mission, Il s’est lié (lier en arabe : sila, d’où le mot salât, qui est une forme substantivée du verbe lier) au prophète grâce aux anges. Ainsi comprend-on mieux le verset « Dieu et Ses anges se lient (youssalou) au prophète. Vous qui croyez, liez-vous à lui, et formulez sur lui un salut plénier. » (33, 56) La salutation sur le prophète est autrement nécessaire car il ne saurait être qu’une sorte de câble de transmission spirituelle. C’était un être humain, porteur de l’esprit divin qui a été insufflé sur l’humanité pour faire de nous ce que nous sommes. Tout être est une fin, et jamais un moyen. Alors, chers amis et amies, frères et sœurs en islam, en cette occasion de Mawlid al nabawi al charif, « la noble naissance du prophète », je vous souhaite à toutes et à tous une excellente célébration.
Pour ce faire, je vous partage du du’a al fatihi, l’invocation (non pas du victorieux) mais du libérateur :
اللَّهُمَّ صَلِّ عَلى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ الفاتِحِ لِمَا أُغْلِقَ و الخاتِمِ لِمَا سَبَقَ نَاصِرِ الحَقِّ بَالحَقَّ و الهَادِي إلى .صِرَاطِكَ المُسْتَقِيمِ و عَلَى آلِهِ حَقَّ قَدْرِهِو مِقْدَارِهِ العَظِيم سبحان ربك رب العزة عما يصفون، و السلام على المرسلين و الحمد لله رب العالمين
Allāhoumma ṣalli ᶜalā Sayyīdinā Mouḥammadini ‘l-Fāṭiḥi limā oughliqa wa ‘l-khātimi limā sabaqa, nāṣiri ‘l-ḥaqqi bi ‘l-ḥaqqi wa ‘l-hādī ilā ṣirātika ‘l-moustaqīm wa ᶜalā ālihi ḥaqqa qadrihi wa miqdārihi ’l-ᶜaẓīm. subḥana rabika rabi-l ᶜizzati ᶜamma yasifûn wa-l salamou ᶜala-l mursalīn wa-l ḥamdoulillahi rabi-l ᶜalamīn
O Dieu ! « Bénissez » notre Maître Muhammad qui a ouvert [la voie de] ce qui était obstrué, et qui a scellé ce qui a précédé ; faisant triompher le vrai par le vrai, et guidant vers la voie droite, « Bénissez » sa Maison comme il convient à son immense stature et à sa splendeur. Et louange à Dieu, le Seigneur des mondes ; Ton Seigneur, possesseur de la puissance, est au-dessus de toutes les suppositions ; paix sur les messagers envoyés et que louange soit rendue au Seigneur des univers (27, 180-182)
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