Je souhaite explorer une nouvelle voie et apporter quelques critiques à quelques uns de mes frères muʿtazila. La communauté musulmane actuelle est assez conformiste, et pour le peu qu’un pratiquant fasse quelque chose d’inhabituel ou d’inattendu, il se sent obligé de justifier ses actes, quand bien même personne ne lui demande quoique ce soit.
Pour le peu que certains acceptent de débattre, le pointillisme exacerbé de juristes et de comptes d’apothicaires commence. Le mot qui revient le plus souvent alors est dalîl (preuve).
Jadis, lorsque je tombais sur ce genre de débat, je m’y plongeais corps et âme. Pourquoi ? Naïf, je pensais que des arguments tirés de l’histoire, les arguments rationnels, logiques, et la cohérence entre les grands principes islamiques et les applications concrètes étaient suffisantes pour emporter la conviction. Mais une fréquentation assidue des débats dits « religieux » ont fini par m’ouvrir les yeux. Beaucoup de gens parmi ceux qui débattent ne cherchent pas tant de se rapprocher de ce qui est vrai, mais plutôt d’emporter la conviction de l’autre. Les débats sont « hégéliens », ceux qui débattent cherchent à affirmer leur conscience en « tuant » celles des autres. Peu importe leurs propos ou les idées qu’ils défendent. Ils espèrent ainsi se prouver et prouver aux autres qu’ils appartiennent à la catégorie des maîtres et non à celle des esclaves. Pourtant, leurs efforts n’ont pour but que de conforter d’autres gens qui les contrôlent. Ceux qui débattent se retrouvent à défendre des idées qui leur sont étrangères, mais qu’ils estiment devoir imposer. Ainsi, la logique, la raison, et l’histoire ne tiennent plus de rôle prépondérant. D’aucuns disent « police partout, justice nulle part », moi je dirai « débat partout, sagesse nulle part ». Ceux qui acceptent de rentrer dans ces débats alors qu’ils sont de bonne foi, mettent les pieds dans un mécanisme dont ils ignorent la rigidité et à quel point il est enraillé et dépassé. Aujourd’hui, je regarde mes frères mutazilites de Palestine et d’Arabie saoudite, entre autres, et je ne peux que ressentir de la compassion pour eux. Ils sont soumis aux mêmes interrogations que j’ai subi moi-même jadis, « qui a dit ce que tu dis avant ? », « quels savants sont d’accord avec vous ? », « c’est de la bid’a » (innovation), et autre chouinerie que je ne supporte plus. Pire encore, ils cherchent absolument à se justifier et à justifier le mutazilisme. Or nous n’en avons pas besoin. Au lieu de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit, ne vaut-il pas mieux exposer nos idées, nos convictions, nos croyances, ce que nous estimons être juste et conforme à l’islam dans le but d’aider des gens, en quête d’éléments de réponses.
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