On m’a récemment posé la question suivante : « La fornication est condamnée par une peine (corporelle), alors qu’à l’inverse, l’intérêt usuraire, qui est un pêché plus grave, ne l’est pas, pourquoi cela ? »
L’idée ici, est que les peines corporelles n’ont pas vocation à êtres appliquées, elles sont symboliques. Les peines dont le Coran parle, sont l’amputation des membres (mains et pieds) pour les voleurs, et de flagellation pour les adultérins.
« Le voleur, la voleuse, eh bien ! Tranchez leurs mains en rétribution de ce qu’ils se sont acquis, et pour l’exemplarité divine – Dieu est Tout-Puissant et Sage. » (5:38)
Toutefois, pour les voleurs, Dieu rappelle immédiatement après avoir prescrit l’amputation que :
« Toutefois, qui se repent après avoir été inique et se réforme, eh bien ! Dieu se repent en sa faveur -Dieu est Tout pardon, Miséricordieux. » (5:39)
Sur le vol
Ainsi, ici, l’accent est mis sur la possibilité de pardon, et donc l’évitement du châtiment, pour qui souhaite s’améliorer et profiter du fait qu’il a été pris en train de commettre une injustice en volant. Mais qui vole ? Rappelons que le calife ‘Umar Ibn Al-Khattab, pendant l’année de la Famine, a suspendu les châtiments corporels, et donc l’amputation des voleurs. Pourquoi ? Parce que ce qui est qualifié de vol imputable de peine corporelle est le vol « gratuit », autrement dit, le vol de convoitise. Ainsi voler une pomme, un pain, ou de la viande pour nourrir les siens ne peut pas entraîné l’amputation. C’est la leçon que nous a transmis le calife ‘Umar. En outre, quand bien même un vol de convoitise serait impliqué, reconnaître ses torts, est suffisant pour échapper au châtiment. Donc, ce qui est défendu ici par le Coran est que le châtiment corporel est relatif, et n’a pas de caractère absolu. Par analogie, les pratiquants du prêt à intérêt (raba’), les usuriers, sont à mettre dans cette catégorie des « voleurs ».
Si dans les faits les usuriers échappent aux peines corporelles infligées par certains pays qui appliquent une charia, c’est parce qu’ils sont puissants (économiquement parlant, et donc politiquement parlant). Ladite charia pratiquée dans les pays ne vise le plus souvent que des gens incapables de se défendre, ou des adversaires politiques. Il n’y a aucune justice là-dedans.
Sur la flagellation
Le Coran dit à ce sujet :
« Quant à celle ou celui qui se rend coupable de fornication, flagellez chacun de cent coups. Par respect de la religion de Dieu, ne vous laissez pas émouvoir de pitié pour eux, si vous croyez en Dieu et au Jour dernier. Qu’un groupe de croyants soit témoin du châtiment. » (24:2)
Après ce verset, une vingtaine d’autres appellent à la clémence et au pardon (versets 10, 14, 20 et 21). Mais surtout, les conditions exigées pour la flagellation sont telles, que la flagellation est quasiment impossible : il faut qu’il y ait quatre témoins direct de la scène. Même dans ce cas, la miséricorde reste prégnante :
« sauf pour eux à se repentir après leur faute, et à se réformer – Dieu est Tout indulgence, Miséricordieux. » (24:5)
Relatif vs Absolu
Tout ce développement sur les châtiments corporels a eu pour but de montrer leur relativité, et le fait qu’il s’agit plus de sanctions symboliques. Elles sont relatives et non pas absolues. D’ailleurs, de nombreux oulémas ont atténué ces châtiments quand ils étaient quand même appliqués. Ainsi, certains ont émis l’idée que l’amputation ne visait pas les voleurs, mais les conditions qui ont créé le vol. Ainsi, l’amputation devrait s’attaquer aux causes sociales qui ont provoqué le vol (chômage, précarité, faim…). Autre exemple, à Bandah Aceh, en Indonésie, où une forme de ces châtiments existent, les « fornicateurs » sont condamnés à une flagellation qui est symbolique, en place publique, ils reçoivent cent coups de bambous très fins et qui ne font pas mal, le but est ici d’édifier, c’est une humiliation insupportable quand même, mais elle vaut toujours mieux que la lapidation, qui n’est pas coranique.
L’ultime châtiment relève de Dieu seul, quel que soit le pêché commis. Le Coran utilise des images parlantes pour bien être compris par ceux à qui il s’adressait, aux Arabes du Hedjaz du VIIe siècle, mais dont la portée est universelle et atemporelle à condition d’utiliser sa raison et de ne pas appliquer à la lettre tous ces éléments. Le Coran offre des métaphores pour faire réfléchir avant toute chose. Dieu est Juste, donc Il est sagesse (hikma). Or Le Juste (‘Adil) nous enseigne que la justice (‘Adl) ne saurait s’exercer sans justesse (Hikm), et c’est en cela que nous formons la communauté du juste milieu. Pour ce faire, outre Sa Hikma, Dieu est aussi Rahman et Rahîm (qui englobe bonté, compassion, amour, miséricorde, clémence et bien plus), et le Prophète Muhammad n’a été envoyé sur Terre que pour la miséricode des mondes (rahmatan li l-‘alamîn).
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