Association pour la renaissance de l'islam mutazilite (ARIM)

Catégorie : Spiritualité Page 1 of 6

Joyeux Mawlid 1447

Les gens que nous aimons, nous cherchons les occasions de la fêter, et de marquer l’amour que nous leur portons. C’est vrai pour nos amours, nos parents, nos frères et sœurs, nos enfants etc. Et même la mort n’efface pas la date de naissance d’un être aimé aujourd’hui disparu. Mais alors que dire du Mawlid, littéralement la « naissance » du prophète Muhammad b. Abdallah (sawas). Ce jour est un jour particulier et marquant. En tant que ses descendants spirituels, nous, musulmans, nous nous réjouissons de marquer cet événement. 

Un homme comme les autres…

Ceci, ne nous empêche pas de souligner l’aspect problématique à vouloir faire du prophète un être à part ; hors de la condition humaine alors que le Coran s’échine à rappeler la nature profondément humaine du prophète en ses rôles d’annonceur de La bonne nouvelle, la vérité de Dieu et la voie du bonheur possible, et donneur d’alerte (« Nous ne t’avons envoyer que pour porter la bonne nouvelle et donner l’alarme » 25, 56). Et c’est en vertu de sa nature intrinsèquement humaine qu’il est pour nous un modèle possible à suivre, une source d’influence directe et parfaite. Puisque homme, il est faillible, et a commis des erreurs comme nous le rappelle, par exemple, la sourate 80 ‘L’air sévère/Abassa’: « il a pris l’air sévère et s’est détourné, sous prétexte que l’aveugle l’abordait. Comment peux-tu savoir si l’aveugle n’allait pas se purifier, ou pratiquer le Rappel, et que le Rappel lui fût profitable ? » Ce qui est remarquable, c’est que le prophète soit faillible bien qu’il soit le dernier élu de Dieu, le « sceau des prophètes » (33, 40)  et donc  l’élu (Mustafa) de Dieu, Loin de constituer un défaut, cette faillibilité, devient un atout. Car c’est elle qui lui donne à lui l’occasion de nous montrer à nous, ses disciples à travers les âges, que nous sommes perfectibles ! Son humanité nous ouvre la voie. On peut facilement s’identifier à lui. Alors qu’on aurait plus de mal à reproduire des modèles tout aussi respectables et grands, mais plus problématiques pour nous, car eux ont pu séparer des mers avec un bâton, ou encore ressusciter des morts par imposition des mains. Ces miracles nous sont hors de portée, car réservés à des prophètes et à des moments spécifiques. Le prophète Muhammad (sawas) a pu commettre des erreurs, mais c’est par sa repentance immédiate, sa capacité à les corriger et à montrer ainsi à nous toutes et tous, que nous n’avons pas à être parfaits (« Car l’Homme fut créé faible », 4, 27), parce que nous sommes perfectibles. Faire des erreurs, c’est le propre de l’homme, savoir le reconnaître et les réparer, c’est le propre de la vertu, à commencer par la vertu muhammadienne. 

C’est en cela que le prophète Muhammad (sawas) doit être suivi est pris comme modèle. Non pas sur sa manière de se tenir les mains pendant la prière, ou savoir s’il commençait ses plats en mangeant la viande d’abord ou en finissant avec. Et encore moins à savoir s’il avait les cheveux, ou la barbe longue. Car vouloir reproduire ces choses-là, c’est vouloir singer le prophète. Ce n’est pas l’aimer, c’est l’idolâtrer. Le prophète n’était qu’un homme avec ses forces et ses faiblesses. Certes. Mais quel homme néanmoins. C’est son « caractère magnanime » (68, 4) sa « miséricorde pour les univers » (21, 107) qui devraient être pour nous des idéaux à suivre. Singer ne produit que des mécanismes vides de sens. S’inspirer du sens des actions du (et des) prophète, c’est toucher à ce qui motive l’action et nous enrichie en sagesse et en profondeur. C’est ce qui nous éveille à la vie. C’est la raison pour laquelle le prophète Muhammad, en tant que forme de synthèse de l’idée même de Révélation, ainsi en 33, 21 « vous avez en l’Envoyé de Dieu un beau parangon (modèle) pour ceux qui aspirent à Dieu, au Jour dernier et rappellent Dieu sans trêve » (33, 21). 

…Enfin, pas tout à fait

En évoquant le prophète Muhammad (sawas), les mots de Lamartine me viennent à l’esprit tellement ils sont magnifiques et sonnent tellement vrais aux oreilles des disciples de notre bien aimé prophète que nous sommes : « si la grandeur du dessin, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? Le plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires, ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur un tiers du globe habité. Mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. Il a fondésur un Livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et la passion du Dieu un est immatériel (…) philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur des dogmes rationnels, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet. À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? » (Alphonse De Lamartine, Histoire de la Turquie, Tome 1, Librairie du Constitutionnel, Paris, 1854-1855, p. 276 à 280). 

Réjouissons-nous de fêter la naissance de notre bien aimé, sans tomber dans l’excès de certains, qui à force de vouloir en faire un être à part, finissent par lui faire porter un habit non seulement qu’il n’a jamais revendiqué, mais que le Coran lui-même lui récuse. C’était un être humain faillible, mais avec une éthique et une bienveillance incroyable. En niant son humanité, c’est le sens même de son message que l’on nie, la prophète Muhammad (sawas) a dégagé les dernières scories qui obstruaient la voie qui mène à Dieu. En se liant au prophète, on se lie à Dieu, car le chemin du prophète mène à celui de l’Un. Et puisque Dieu a choisi le prophète pour cette mission, Il s’est lié (lier en arabe : sila, d’où le mot salât, qui est une forme substantivée du verbe lier) au prophète grâce aux anges. Ainsi comprend-on mieux le verset « Dieu et Ses anges se lient (youssalou) au prophète. Vous qui croyez, liez-vous à lui, et formulez sur lui un salut plénier. » (33, 56) La salutation sur le prophète est autrement nécessaire car il ne saurait être qu’une sorte de câble de transmission spirituelle. C’était un être humain, porteur de l’esprit divin qui a été insufflé sur l’humanité pour faire de nous ce que nous sommes. Tout être est une fin, et jamais un moyen. Alors, chers amis et amies, frères et sœurs en islam, en cette occasion de Mawlid al nabawi al charif, « la noble naissance du prophète », je vous souhaite à toutes et à tous une excellente célébration. 

Pour ce faire, je vous partage du du’a al fatihi, l’invocation (non pas du victorieux) mais du libérateur : 

اللَّهُمَّ صَلِّ عَلى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ الفاتِحِ لِمَا أُغْلِقَ و الخاتِمِ لِمَا سَبَقَ نَاصِرِ الحَقِّ بَالحَقَّ و الهَادِي إلى .صِرَاطِكَ المُسْتَقِيمِ و عَلَى آلِهِ حَقَّ قَدْرِهِو مِقْدَارِهِ العَظِيم سبحان ربك رب العزة عما يصفون، و السلام على المرسلين و الحمد لله رب العالمين

Allāhoumma ṣalli ᶜalā Sayyīdinā Mouḥammadini ‘l-Fāṭiḥi limā oughliqa wa ‘l-khātimi limā sabaqa, nāṣiri ‘l-ḥaqqi bi ‘l-ḥaqqi wa ‘l-hādī ilā ṣirātika ‘l-moustaqīm wa ᶜalā ālihi ḥaqqa qadrihi wa miqdārihi ’l-ᶜaẓīm. subḥana rabika rabi-l ᶜizzati ᶜamma yasifûn wa-l salamou ᶜala-l mursalīn wa-l ḥamdoulillahi rabi-l ᶜalamīn

O Dieu ! « Bénissez » notre Maître Muhammad qui a ouvert [la voie de] ce qui était obstrué, et qui a scellé ce qui a précédé ; faisant triompher le vrai par le vrai, et guidant vers la voie droite, « Bénissez » sa Maison comme il convient à son immense stature et à sa splendeur. Et louange à Dieu, le Seigneur des mondes ; Ton Seigneur, possesseur de la puissance, est au-dessus de toutes les suppositions ; paix sur les messagers envoyés et que louange soit rendue au Seigneur des univers (27, 180-182) 

Les petites-ablutions (al-wudhû)

Toute cette partie sur les ablutions (wudhû) est principalement fondée sur l’ouvrage Nûr al-idhâh, L’explication judicieuse, de l’imam al-Shrunbulâlî, traité très connu et servant de base d’enseignement pour les actes du culte (ibâdât) selon l’école hanafite. 

Personne en train de faire ses ablutions (Photo : D.R.)

Les conditions (shurût) de validité des ablutions :

  1. Que l’eau passe sur toute la partie à ablutionner. 
  2. Que la période des règles, le sang matriciel, et autres ait cessé. 
  3. Enlever tout ce qui pourrait empêcher l’eau de toucher la peau. 

Les piliers des ablutions (farâ’idha al-wudhû)

  1. Laver (aghsilû) le visage de la racine des cheveux au bout du menton. 
  2. Se laver (aghsilû) les deux mains et les avants bras jusqu’aux coudes. 
  3. Passer la main humide (s’essuyer/amsihû) sur la tête, au moins le quart de la tête. 
  4. Passer la main humide (s’essuyer/amsihû) les pieds, du bous des orteils aux talons et chevilles incluses. 

Les convenances (âdâb al-wudhû) des ablutions : 

  1. Joindre le cœur à la parole en formulant l’intention (celle-ci n’est pas une obligation comme cela peut être le cas dans d’autres écoles). اللهم إني نويت الوضوء/ phonétique: Allahoma inné nawaïtou ul wudhû, Mon Dieu, je prends l’intention d’accomplir les ablutions
  2. Faire face à la qibla si possible. 
  3. Prononcer la double attestation de foi une fois l’ablution terminée et boire un peu de l’eau restante des ablutions. 
  4. S’humidifier les oreilles et la nuque avec les mains humides (donc sans se les mouiller une nouvelle fois).   
  5. Puis, réciter cette supplication : 

اللهم أجعلني من التوابين، و أجعلني من المتطهرين

(Phonétique: Allahoma aj’alnî minal tawâbîn wa aj’alnî minal mutatahirîn)

« Mon Dieu, comptes moi parmi les repentants, et comptes moi aussi parmi ceux qui se purifient. » 

Les choses déconseillées (makrûhât al-wudhû) pendant les ablutions : 

  1. Gaspiller l’eau. 
  2. Se montrer trop parcimonieux
  3. Se claquer le visage avec l’eau 
  4. Parler de choses ordinaires
  5. Se faire aider sans raison
  6. Se passer les mains humides sur la tête trois fois en reprenant de l’eau à chaque fois. 

Note: le gaspillage de l’eau est quelque chose de proscrit en islam, il l’est d’autant plus pour des raisons écologiques évidentes. C’est la raison pour laquelle, il nous semble plus sage de s’en tenir aux ablutions telles qu’elles sont décrites dans le Coran, S05, V06. Il n’est pas utile de laver les membres trois fois. Une fois suffit, tout en se limitant aux parties prescrites par le Coran, le visage, les mains jusqu’aux coudes, une partie de la tête et les pieds. Se rincer la bouche, se laver le nez et les oreilles est faisable pendant les ablutions, mais il n’est pas nécessaire de faire cela trois fois à chaque fois.

Le livre des cinq fondements (traduction française)

En voici une traduction attendue. Le Kitâb al-usûl al-khamsah du qâdi Abdel Jabbâr est un cours traité, une sorte de précis théologique qui présente les cinq fondements de l’école, ou plutôt du mouvement mu’tazilite. L’auteur, mort en 1025, est l’un des auteurs les plus connus et des plus fameux, notamment sur la question du fiqh et des usûl al-fiqh, soit le droit islamique et le fondement du droit islamique (que je préfère appeler théologie pratique et fondement de la théologie pratique).

Depuis le XIe siècle, la persécution des mu’tazilites et la destruction de leurs ouvrages et héritage ; la connaissance de leur doctrine et des différentes nuances qui compose leur mouvement s’est surtout faite au travers d’une littérature que l’on peut considérer comme hostile au mu’tazilisme. Ce qui avait pour conséquence d’en donner un aperçu biaisé. Ce n’est qu’à partir du XIXe et du XXe siècle que des ouvrages ont été découverts, pour une part dans la guénizah du Caire autour des années 1890, et dans la grande mosquée de Sanaa au Yémen autour des années cinquante. Parmi les manuscrits découverts, des écrits du qadi Abdel Jabbâr, connus par ailleurs, mais que l’on croyait perdus. Notamment sa somme théologique, Kitâb al mughni fi abwâb al adl wal Tawhîd, Le traité complet sur les questions relatives à l’Unicité et à la justice, avec seize volumes découverts sur les vingt que compte l’œuvre ; et un petit traité, Le traité des cinq principes, aussi traduit par Le livre des cinq fondements.

C’est cet ouvrage que nous présente aujourd’hui l’ami et frère Yassine Zitouni, qui a fait un énorme travail de traduction, travail que nous comptions faire mais, mais impossible par manque de temps. Heureusement, le frère Yassine était là. Tâche dont il s’est admirablement occupé. Traduire n’est pas chose aisée, et cela prend un temps considérable.

Ce livre, présente sous forme d’échange un compendium (synthèse) des cinq principes autour des quels se retrouvent les mu’tazilites anciens et nouveaux. L’Unicité de Dieu, la justice divine, la promesse [du paradis] et la menace [de l’enfer], éternelles dans les deux cas. La demeure intermédiaire du musulman fautif et l’ordre moral. Le tout sous forme de questions réponses : « si on te demande… », « dis :…. ». L’ouvrage est très instructif et montre bien les grands principes de l’École, quand bien même, sur un certain nombre de points, l’auteur semble faire des concessions au sunnisme (interrogation dans la tombe juste après la mort, messianisme eschatologique). Le qadi écrit à une époque où le mutazilisme, bien que toujours vivant et brillant, était en danger. Donc, les mu’tazila de l’époque, le qadi Abdel Jabbâr (m. 1025) en tête, mais aussi le commentateur Zamakhshari (m. 1144) sont ce que j’appelle des Tardifs, et eux vont vouloir se concilier ou se rapprocher quelque peu du sunnisme. Là où les pionniers (Nazzâm, al Assam, al-Isfahâni etc) n’hésiteront pas à s’inscrire en faux avec cette attitude.

Lisez ce livre, c’est une ressource nécessaire et instructive sur le mu’tazilisme.

Billet #4: sourate 75, verset 16

لَا تُحَرِّكْ بِهِ لِسَانَكَ لِتَعْجَلَ بِهِ

« N’agite pas ta langue pour le hâter » 

Sourate 75 (al-Qyyâma), verset 16

Voici le verset que me propose à la lecture mon application qui me donne les horaires de la salât ainsi que la boussole, et le nécessaire de survie cultuel à la vie quotidienne.

Comme je l’avais écrit en présentant cette rubrique, le deal, si j’ose dire, était d’écrire un billet à partir du « verset du jour », à savoir, une sélection faite par l’IA de l’application, et qui me propose chaque jour un verset à méditer. Exercice que je ne prends pas toujours le temps de faire mais qui est, en réalité, essentiel.

Double interprétation au moins…

Ainsi, le fameux verset en question d’aujourd’hui est celui-ci : « n’agite pas ta langue pour le hâter », tiré de la sourate al-Qiyyâma, la Résurrection. En lisant ce verset court, j’avoue avoir été interpelé. Je l’ai été parce que je me disais qu’il fallait absolument que j’écrive quelque chose pour faire vivre le site, mais je séchais un petit peu. Puis, j’ai ouvert l’application et regardé quel était le verset du jour. Et je tombe sur un propos qui appelle à contenir son envie d’exprimer une chose qui nous paraît importante. Attention, le verset en question évoque de façon allusive deux interprétations (au moins) possibles. Dieu s’adressant au prophète et lui rappelant qu’il n’avait pas à vouloir hâter la révélation de la parole divine (au sens figuré). Ou, il est possible, au vu du contexte du passage, de comprendre qu’il s’agit de parler du livre des œuvres de la personne qui passera devant Dieu après la résurrection. Le verset suivant permettant cette double interprétation puisqu’il y dit : « à Nous de l’assembler en d’en fixer la lecture. »

…Mais là n’est pas la question

Quoiqu’il en soit, un billet n’a pas vocation à être une exégèse aboutie, mais à communiquer un ressenti, une impression. Et l’impression que j’aie ressenti est que je n’avais pas à vouloir forcer les choses, me forcer à écrire et à vouloir communiquer même si ce que j’avais à dire me paraissait important. Ce verset m’a comme détendu et permis de prendre la plume (ou le clavier) de façon sereine et l’esprit léger. C’est là où l’on voit comment des passages coraniques que d’aucuns n’estiment compréhensibles qu’en prenant en considération nombre de facteurs complexes, peuvent tout à fait parler directement à notre conscience, en fonction de ce que nous faisons. De nos petits problèmes quotidiens, et de nos petits intérêts. C’est la partie la plus vivante, et sans doute la plus vécue par ceux et celles qui fréquentent le texte au jour le jour. C’est la partie qui emporte nos émotions et qui est, tristement et nécessairement, la plus laissée pour compte par tous les coranologues. Même si certains d’entre eux insèrent une phrase dans ce sens. Mais que vaut une phrase dans une œuvres complète faite de livres, d’articles, de conférences etc.

C’est là où l’aspect créé, c’est-à-dire, vivant du texte apparaît le mieux. Que Dieu nous en facilite la lecture et la méditation. Amine !

Billet coranique #3 : sourate 62, verset 9

يٰا أَيُّهَا اَلَّذِينَ آمَنُوا إِذٰا نُودِيَ لِلصَّلاٰةِ مِنْ يَوْمِ اَلْجُمُعَةِ فَاسْعَوْا إِلىٰ ذِكْرِ اَللّٰهِ وَ ذَرُوا اَلْبَيْعَ ذٰلِكُمْ خَيْرٌ لَكُمْ إِنْ كُنْتُمْ تَعْلَمُونَ 9

Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière à un moment d’un vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez…

Le déterminisme chantre du libéralisme économique

Ce verset peut être lu et apprécier dans la droite ligne de l’article portant sur la traduction de l’article portant sur la comparaison faite par des mutazilites arabophones entre les approches mutazilite et acharite quant à la question de la fixation des prix des objets. Partisans du libre-arbitre, les mutazilites appellent à l’intervention de l’État en cas de flambée des prix. Car nous sommes responsables et libres d’agir sur les choses. Là où les acharites, partisans du déterminisme divin, acceptent que certains ne puissent pas suivre. Pour eux, c’est la volonté divine.

L’importance de l’esprit

Évidemment, en bons mutazilites que nous sommes, nous refusons cette conception. Et nous la refusons car elle n’est pas acceptable d’un point de vue rationnel (nous pouvons agir), éthique (nous devons refuser l’iniquité) et scripturaire (l’enseignement coranique). Ce billet va me permettre d’illustrer le refus coranique de subir la réalité économique grâce à ce verset que je rappelle : « Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière (salât) à un moment du vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez »

La partie italique en gras est essentielle. Dans un billet, il ne s’agit pas d’aller trop loin dans une approche exégétique, mais disons, de montrer une orientation, une direction que prend le texte. Ici, cette direction, c’est le fait de marquer la supériorité de l’esprit sur la matière.

Salât et transactions

Les vendredis, à un moment de la journée, lorsqu’on est appelé à la salât, nous sommes appelés à entrer en « lien », en « rapport » avec Dieu. Le mot salât, vient de si-la, qui veut dire « lien. » Ainsi, au moment où le « lien » avec Dieu doit être accompli, on cesse les transactions, on cesse tout commerce (au sens étymologique) avec l’argent pour mettre en avant l’importance de l’éveil spirituel. Car l’éveil spirituel est meilleur pour tous, mais en prenons-nous vraiment conscience ?

C’est la raison pour laquelle il faut insister pour que la salât al-jumu’a, prière du vendredi, doit être accomplie au moment du zénith, au cœur de la journée, au cœur du moment des échanges pour montrer que l’esprit doit s’imposer sur la matière. Il y a presqu’une sorte de contre-sens à vouloir accomplir cette prière collective en fin de journée au moment où la journée de travail est finie. Et Dieu sait le mieux.

Édito & sommaire 10/2024

Karim Boumarane à gauche, et Pascal Boniface (photo: D.R)

En cette période où les massacres d’innocents au Proche-Orient et d’agressions à tout va continuent sous le regard complice des Occidentaux, une controverse a lieu en France qui met aux prises la maire de Saint-Ouen, Monsieur Karim Bouamrane, d’une gauche, que l’on peut clairement qualifier de « frelatée » ; à un chercheur sérieux, président de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS),  Monsieur Pascal Boniface. Celui-ci, en bon être humain, a pu se montrer maladroit (« muslim d’apparence ») dans un propos, donc sur la forme. Mais sur le fond, il n’a que trop raison. Monsieur Bouamrane n’a pas eu un mot pour dénoncer les attaques d’Israël, mais a stigmatisé, les forces de gauche qui le font (sujet de l’article de ce mois).

Match Espagne-Jordanie, coupe du monde des U16 en 2016 (photo: D.R)

Autre actualité en rapport avec l’islam ou les musulmans : des experts de l’ONU estiment que les interdictions du voile islamique en France pour les femmes dans le sport (dans le football et les jeux olympiques notamment) sont « disproportionnées et discriminatoires, et enfreignent leurs droits [aux femmes] de manifester librement leur identité, leur religion ou croyance en privé ou en public, et de prendre part à la vie culturelle » avant d’ajouter que toute limite à une ou des libertés, ne peut se fonder sur des « présomptions, des hypothèses ou des préjugés ». Voilà un rappel bien utile.

Image tirée d’un compte Fcb au nom du cadi Abdeljabbar al hamadhani (photo: D.R)

Vous trouverez une traduction d’un article d’un groupe mutazilite arabophone et qui est qui est une comparaison sur la question de la fixation des prix, entre deux penseurs représentatifs de leurs écoles, le mutazilite Qadi Abdeljabbar (m. 1025) et l‘acharite, al-Bâqilâni (m.1013). L’intérêt ici est de montrer comment une différence théologique (sur le libre-arbitre) a une portée pratique conséquente.

Last but not least, mon billet coranique portant ce mois-ci sur le neuvième verset de la sourate soixante-deux al-Jumua/Vendredi. Là encore, en harmonie avec la comparaison sur la fixation des prix entre mutazilite et acharite. Il sera question de sous et de qui doit contrôler qui…Sommes-nous esclaves de l’argent ? Ou l’argent doit rester notre servant. Le verset répond à cette question.

Bon, il ne s’agit pas d’en rester là. Mais force est de constater qu’il est difficile de faire évoluer les idées et pensées des musulmans en France dans un contexte aussi morose. Néanmoins, les activités de l’ARIM doivent continuer, ne serait-ce que virtuellement pour le moment. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des idées, des questions à poser ou pour faire des remarques. Nous sommes preneurs.

Billet coranique #2 : sourate 49, verset 13

[Note méthodologique : le billet, comme le nom l’indique, n’est pas une exégèse, mais une courte pensée que m’inspire ce verset. Pas une analyse théologique détaillée. Je vous propose ici un billet personnel qui consiste à dire quelque chose sur le verset coranique qu’une application religieuse me propose. En effet, chaque jour, cette application me propose « le verset du jour ». Voici celui d’aujourd’hui ]

يٰا أَيُّهَا اَلنّٰاسُ إِنّٰا خَلَقْنٰاكُمْ مِنْ ذَكَرٍ وَ أُنْثىٰ وَ جَعَلْنٰاكُمْ شُعُوباً وَ قَبٰائِلَ لِتَعٰارَفُوا إِنَّ أَكْرَمَكُمْ عِنْدَ اَللّٰهِ أَتْقٰاكُمْ إِنَّ اَللّٰهَ عَلِيمٌ خَبِيرٌ

الحجرات

Ô vous humains, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, c’est en vue de votre connaissance mutuelle. Le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage — Dieu est Connaissant, Informé

Lorsque j’ai ouvert mon application pour écrire ce billet, j’étais curieux de voir quel verset l’outil informatique allait me proposer. J’avoue avoir été non pas surpris, mais conforté dans mon idée que, peut-être, cette idée de billet n’était pas mauvaise. En effet, après un premier billet qui s’est intéressé surtout à la question du bel-agir et à la justice divine (voir ici) ; ce verset lui pose l’importance de diversité et de l’importance de la connaissance et donc de la reconnaissance mutuelle.

La diversité

D’abord, il faut rappeler que cette sourate, al-Hujurât, les appartements, comme la traduit Jacques Berque, est une sourate tardive, probablement révélée après la prise de La Mecque en 630, vers la toute fin de la mission du prophète Muhammad (sawas). Ce qui est frappant dans cette sourate, c’est son aspect général que l’on pourrait qualifier de testimonial. En effet, cette sourate insiste sur des conseils et prescriptions de bienséance morale. A cinq reprises, elle commence par « Ya ayyouha-l-ladhîna âmanou », « Ô vous qui croyez », ce sont des interpellations directes en direction des croyants pour leur dire ce qu’il faut faire. La dernière interpellation de cette sourate, c’est ce verset. Il ne s’agit plus d’interpeler les croyants, mais tous les humains, on passe de « Ya ayyouha-l-ladhîna âmanou » à « Ya ayyouha-l-nâssou », « Ô vous humains », et ici, l’enseignement qui est adressé aux hommes est empirique : Dieu nous a créé à partir des genres mâle et femelle, et de leurs connexions sont nés des êtres qui se sont diversifiés en cultures et populations différentes dans le but que tous se connaissent (ta’arafou).

La reconnaissance

Le mot ‘urf, qui est la radicale du terme arabe, désigne la « connaissance », le « savoir » voire la « coutume », « ce qui est admis ou reconnu ». Ainsi, la diversité dans l’humanité n’a pas vocation à séparer les Hommes, mais plutôt à faire en sorte qu’ils apprennent à se connaître, voire même à se reconnaître les uns les autres. Car la suite du verset dit bien, « Inna akramakom ‘ind allahi atqâkom », « le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage ». Que veut dire « se prémunit davantage », se prémunir de quoi ? Il s’agit de se prémunir du mal. Car le mal mène vers ce qui est proscrit et ce qui peut pervertir les humains. Le mal et la perversion (l’atteinte à la dignité des Hommes et à leur intégrité) mènent vers la corruption morale, et donc les mauvais actes, et in fine, la justice divine qui sanctionne cette perversion. Car comme le dit le verset et le conclut « inna Allaha ‘alîmon khabîr », « Dieu est Connaissant et Informé ».

Épître aux musulmans perplexes, notre traité mutazilite contemporain

Êpître aux musulmans perplexes, réflexions pour un islam rationnel (photo: Faker Korchane)

Mon livre, intitulé Épître aux musulmans perplexes, réflexions pour un islam rationnel est sorti le 30 juin dernier aux éditions Atlande.

Ce livre est une exploration contemporaine, d’aujourd’hui, de la théologie mutazilite. Ou disons, une application actualisée de la pensée religieuse mutazilite. Nous ne saurions admettre le principe de l’imitation pure et simple, même pour suivre nos propres maîtres. Et c’est en conformité avec cet esprit qui consiste à dire que le message coranique est toujours actuel et exige de nous un effort (jihâd) continu de compréhension et de mise en application que cet ouvrage a vu le jour.

Je vous souhaite d’y trouver plein de choses intéressantes et des informations pour vous aider à cheminer par vous-mêmes. N’hésitez pas à laisser des commentaires si vous avez lu le livre.

En vous souhaitant à toutes et à tous une bonne année 1446 de l’Hégire.

Aid al Adhha 2024 Mubârak

بسم الله الرّحمان الرّحيم

والحمد لله ربّ العالمين والصّلاة

والسّلام علِِى سيّدنا محمّد النّبي المجتبى

وعلى آله الطّاهرين الطيّبين الأخيار الأبرار

وبعد


Malgré le retard de plusieurs jours, nous tenons à souhaiter à toute la communauté musulmane un Aïd mubârak à toutes et à tous. Mais dans le contexte actuel, comment ne pas penser à toutes celles et ceux qui souffrent à Gaza et en Palestine en générale, sans oublier les souffrances des soudanais dont on entend pas parler ou encore ailleurs en Afrique et de part le monde.

Nous implorons Dieu qu’Il accueille dans la Jannat-al-Firdaws (plus haut degré du paradis) tous les enfants innocents, les femmes, les hommes, tous ceux qui ont été injustement sacrifiés sur l’autel de la haine et de la vengeance. Nous croyons et faisons une parfaite confiance en notre Seigneur qu’Il rendra justice à tous les spoliés, les humiliés, les victimes d’injustice au moins au Jour du Jugement. Et nous espérons que nous, les Hommes (musulmans ou non), serons en possibilité de nous ouvrir à Son message, de nous amender pour devenir meilleurs et travailler à l’amélioration de la condition humaine.

آمين، آمين، آمين يا رب العالمين

وصلّى اللّهم وبارك على سيّدنا محمّد النّبي المصطفى

وعلى آله وصحبه أجمعين

و لا حول و لا قوة الا بالله العلي العِظيم

حسبنا الله و نعم الوكيل

وآخر دعوانا انّ الحمد لله ربّ العالمين

 

Billet sur le verset du jour – Verset du jour #1

Je vous propose ici un billet personnel à un rythme pas encore défini, qui consiste à dire quelque chose sur le verset coranique qu’une application religieuse me propose. En effet, chaque jour, cette application me propose « le verset du jour ». Voici celui d’aujourd’hui: 

أُولَئِكَ الَّذِينَ نَتَقَبَّلُ عَنْهُمْ أَحْسَنَ مَا عَمِلُوا وَنَتَجَاوَزُ عَن سَيِّئَاتِهِمْ فِي أَصْحَابِ الْجَنَّةِ وَعْدَ الصِّدْقِ الَّذِي كَانُوا يُوعَدُونَ

الأحقاف، ١٦

« Ceux-là, sera pris en compte le plus beau de leurs actions, il sera passé sur les mauvaises ; ils entreront parmi les compagnons du Jardin, selon la promesse de vérité qui leur est faite » S46v16

La primauté du bel-agir 

Ce verset du jour donné par mon application met en avant un des aspects les plus marquants et les plus connus du mutazilisme, à savoir l’insistance sur la justice divine. En vrai, lorsque je dis mutazilisme, le ou la lecteurice aura compris que je parle d’islam. En réalité, tout un chacun musulman, quand il parle d’islam, en parle en fonction de son point de vue subjectif, en considérant acquis que ses prises de position sur la religion et sur ses débats internes sont entendus et admis par tous. C’est ce qui fait qu’il ou elle dit qu’il ou elle est musulman ou musulmane, sans relever au passage qu’il ou elle est sunnite par exemple. Comme s’il allait de soi que tout islam ne pouvait se concevoir que dans la limite du cadre sunnite. Au moins, ai-je la lucidité de dire que je comprends l’islam à travers les principes et un horizon de lecture mutazilite, ce qui veut dire que c’est l’option que j’adopte parce que je la pense la plus proche et la plus conforme à l’enseignement coranique et prophétique, mais je ne dis pas que c’est la seule ou que les autres voies sont caduques. Je dis simplement que c’est ma façon de comprendre l’islam à ceux et celles qui me lisent pour qu’ils et elles comprennent pourquoi je peux dire des choses différentes de la majorité des personnes qui s’expriment au nom de la religion.

J’en reviens au verset cité plus haut, pour ne pas dire, « mon » verset. Le « ceux-là » en question est assez équivoque, puisqu’il évoque des personnes dont traite le verset précédent (le verset 15). Il s’agit des « humains » (insâne) qui est reconnaissant envers son Seigneur mais aussi envers ses parents en faveur de qui il adresse une supplication. Le « ceux-là » en question, s’adresse à des personnes reconnaissantes des bienfaits qu’elles ont reçues, notamment de leurs mères qui les a portés pendant des mois et des mois et qui ont subi les affres et les souffrances de la naissance, et qui, en plus de cela, ont procédé au sevrage pendant des dizaines de mois de leur enfant. Mais cet individu, cet humain dont il est question, bien qu’il semble indéterminé au début, prend les contours d’une figure un peu plus connue lorsque le verset 15 stipule qu’à l’âge de quarante ans, cet humain adresse sa supplication pleine de reconnaissance à son Seigneur. S’agit-il du prophète Muhammad ? Peut-être…

Dieu de justice

Le verset qui nous intéresse promet donc à ses êtres reconnaissants que leurs actes généreux, beaux et bons seront pris en considération, mais que leurs mauvais gestes, que l’on peut comprendre comme étant des défauts de comportement, des erreurs, peut-être même des péchés, seront « passés » outre (natajâwiz). Car en effet, ce verset semble valoriser le bel agissement, qui prime sur les mauvais. Comme le dit le verset 114 de la sourate (11) Hûd :

 وَأَقِمِ الصَّلَاةَ طَرَفَيِ النَّهَارِ وَزُلَفًا مِّنَ اللَّيْلِ إِنَّ الْحَسَنَاتِ يُذْهِبْنَ السَّيِّئَاتِ ذَلِكَ ذِكْرَى لِلذَّاكِرِينَ

« Accomplis la prière aux deux pointes du jour, et au cours des heures de la nuit (qui leur sont proches). Les actions belles dissipent les mauvaises. Que cela soit rappel à ceux qui pratiquent le Rappel…» Dieu de justice, Dieu de sagesse, Dieu nous incite au bel agir et au bon comportement, car le bel agir est conforme à l’esprit coranique et donc à l’esprit de l’islam. Et c’est vers cela que ce verset nous invite. Wa Allahu a’lam !

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