On raconte plein d’histoires sur la porte de la vallée des chauves-souris, depuis longtemps fermée. C’est une porte monumentale en bronze forgé, perchée sur la vallée et que personne ne sait ce qu’elle cache. Certains racontent qu’elle est hantée par des esprits maléfiques, d’autres racontent que c’est le bi cornu « Dhû-l-Qarnayn » lui-même qui l’a forgée pour faire barrage à Gog et Magog ce peuple qui sortira à la fin des temps pour anéantir l’humanité. Plein d’autres histoires toutes aussi bizarres les unes que les autres, et la disparition de plusieurs de ceux qui ont tenté de l’ouvrir ou de s’y introduire confirment bien les superstitions autour de cette porte.

Dans le village de Khabi’â qui veut dire cachée et qui bien protégée par les montagnes là où aucune route ne passe, ni aucun voyageur, ses habitants vivent de l’élevage et de quelques cultures. Dans le village, personne ne s’approche de la porte ni même de la vallée des chauves-souris, on transmettait cette méfiance de génération en génération et chacune d’elle rajoute des affabulations, les vieilles racontent pleins d’anecdotes sur la porte et on menaçait même les petits, quand ils faisaient des bêtises, de les envoyer à la vallée des chauves-souris , pour les attacher à la porte maudite.

De loin, on aperçoit la porte, imposante et majestueuse, qu’est-ce qu’y a derrière ? que Cache cette porte ? Personne ne le sait dans le village et surtout personne ne veut savoir, on détourne les yeux de cette région et on évite de s’y aventurer ni par le regard ni même par l’imagination, on se contente de ce que les anciens ont raconté. La superstition a fait son effet et a enveloppé la porte de plusieurs couches d’ignorance et de méfiance.

 

« quand la connaissance devient un lourd fardeau, l’ignorance devient un confort »

 

Sur la route entre la ville de Jari’â (audacieuse) et la ville de Mâarifa (connaissance), Fahmane (celui qui comprend) chemine tout seul, il a pris l’habitude de voyager tout seul et n’apprécie plus la compagnie des voyageurs trop méfiants avec leurs histoires farfelues sur les dangers de la route, les brigands et surtout les monstres imaginaires. Fahmane pense qu’on devrait ressentir les effets positifs du voyage, apprécier la rencontre avec les autres cultures, profiter de la cohabitation avec l’autre qui est différent et surtout prendre le temps de méditer sur les différents paysages qu’offre la route. Et pour mieux profiter du calme et ne pas perdre son temps avec les bavardages inutiles, il préfère voyager seul sinon à la queue de la caravane. Fahmane se pose souvent des questions et se fie à sa raison plus que tout et aussi à son cœur quand la raison ne lui souffle pas de réponse convenable.

En ce jour bien ensoleillé, Fahmane s’est laissé distancer par la caravane, il chemine seul pour mieux méditer et laisser voguer son esprit, il a osé sortir ses sentiers battus et dévier sa route pour aller à la découverte de l’inconnu. Plusieurs jours sans rencontrer ni ses compagnons de caravane ni aucune âme qui vive, il s’enfonce dans une zone montagneuse, … Il aperçoit de loin une grande porte !

Arrivé à la ville de Khabi’â un peu avant l’aube, il a frappé à la première porte et s’est évanoui d’épuisement. Au petit matin, toute la ville s’est réunie autour de ce voyageur égaré, ça faisait trop longtemps que les gens de la ville n’avaient pas vu un étranger, cloîtrés entre eux dans cet espace confiné entre les montages, ils parlaient tous la même langue, la langue de la région avec le petit accent des montagnards. A peine réveillé, les questions fusent, on demanda à Fahmane, d’où il venait, quel était son nom, quel chemin il avait pris, s’était-il égaré ou venait-il visiter leur ville ?? Fahmane répondait à chacune des questions avec des explications supplémentaires, il avait compris que ses gens ont été longtemps coupés du monde extérieur et n’avaient aucune connaissance de ce qui se passait ailleurs que dans leur ville et ses alentours.

Après quelques jours d’exploration, Fahmane demande au sujet de la grande porte ! les habitants lui ont expliqué qu’elle était maudite, et que dans cette vallée ou vivent des chauves-souris, personne ne devrait s’y aventurer au risque de disparaître ou d’être happé par des djinns maléfiques. Fahmane cherche alors des explications plus raisonnables mais aucune des histoires ne l’a convaincu, il décide alors d’aller voir de lui-même et d’explorer les lieux.

– Tu n’as pas peur Fahmane ?

– La peur est à la frontière de la raison, après cette frontière, le minuscule insecte deviendra un énorme monstre sanguinaire. La peur, mes amis, est un amplificateur des superstitions et des histoire farfelues.

– Et tu n’as pas peur de mourir ?

– Qu’est-ce que la mort si ce n’est le sel de la vie, sans la mort la vie n’aura pas de goût, et à la fin personne n’y échappera, à quoi bon avoir peur !

– Que Dieu te protège, Fahmane l’audacieux !

 

« La mort est le sel de la vie, sans la mort la vie n’aura pas de goût »

 

 

Arrivé au pied de la vallée des chauves-souris, Fahmane escalade la paroi et arrive enfin devant la gigantesque porte en bronze forgé !

C’est ça la fameuse porte qui hante les habitants de Khabi’â ? Fahmane inspecte la porte et remarque que les charnières sont usées et ne tiennent plus, d’un coup d’épaule elle s’effondre laissant apparaître une sorte de tunnel. A l’entrée de ce tunnel est écrit : « C’est le chemin vers Mâarifa, il ne le passera que l’audacieux doué de raison »

Et depuis le passage de Fahmane à la ville de Khabi’â, les gens commencent à s’aventurer dans la vallée des chauves-souris et quelques ’uns ont même osé traverser le tunnel vers Mâarifa et sont revenus pour éduquer et apprendre aux autres ce qu’ils ont appris. Les histoires farfelues sont redevenues des contes et la raison a réussi à déchirer les voiles de l’ignorance.

Quelques siècles après, …

Ô que je souhaite que ma communauté déchire enfin les voiles de l’ignorance et ouvre enfin la porte que les anciens ont fermé !