Face à une guerre sainte de Sylviane Agacinski, est un ouvrage qui traite du rapport entre religieux (islamique essentiellement) et politique. Il relève de l’esprit du temps, marqué par une forme d’inquiétude vis-à-vis de l’islam et de son inscription dans la société européenne en générale, et française en particulier.
Un parti pris gênant
Que l’on ne s’y trompe pas, Sylviane Agacinski s’est renseignée sur l’islam, mais sa connaissance reste parcellaire et le plus souvent orientée. Raison pour laquelle elle est tombée dans un certain nombre de biais de raisonnement un peu gênants, comme le fait de de ne voir que ce qui arrange son anxiété. Ainsi par exemple, lorsqu’elle dénonce le financement de mosquées en Europe par la Ligue islamique mondiale (LIM), organisation saoudienne et principal organe de diffusion du salafisme dans le monde jusque-là ; jusqu’au retournement brutal de Mohamed Ben Salmane, le prince héritier et futur roi saoudien, qui souhaite moderniser son royaume à coup de marche forcée. Bien que nous soyons ravis de ce retournement de fortune qui touche le centre névralgique du salafisme, nous restons méfiants vu comment cela se fait, et par qui.
L’autrice donc, Sylviane Agacinski, donne des chiffres sur les financements de la LIM, mais jusqu’en 2016 uniquement. Pourtant, elle ignore (vraiment ou feint de le faire ?) que la LIM a cessé de financer les organisations religieuses depuis le début de l’année 2020 sous l’impulsion du prince héritier dont nous venons de parler. Donc, contrairement à ce qu’elle laisse penser, cette politique a cessé. L’autrice se montre proche des thèses dites « laïcardes. » Ainsi, elle disqualifie l’idée d’islamophobie, terme accusé d’être un concept islamiste permettant d’attaquer tout discours critique de l’islam (et peu importe si sa théorisation date de 1910 par des sociologues coloniaux). Elle fait non seulement du voile un marqueur islamiste, mais aussi la marque de la soumission des femmes, la preuve ? Elle ne la tire pas du Coran ou des propos prophétiques, dont elle reconnaît l’ambivalence, mais de chez …Saint Paul. Car pour elle, le voilement, qui est la marque de l’infériorisation des femmes, existait avant l’islam et ne lui est donc pas propre (ce qui est juste).
L’islam, représentant du patriarcat
Mais pour elle, cela montre que la théologie islamique a emboité le pas de la théologie chrétienne, puisque toutes deux sont marquées par la patriarcat. Elle montre que pour Paul, le voile était bien la marque de la soumission des femmes aux hommes, elle le cite: « Non, un homme n’est pas tenu de se couvrir la tête, étant image et gloire de Dieu, mais la femme est la gloire de l’homme. L’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme, et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l’homme. La femme est donc tenue de porter sur la tête un signe d’autorité… » (Paul, 1 Corinthiens 11, 7-10, p. 114-115 du livre de Sylviane Agacinski). En même temps, l’autrice ne laisse jamais entendre la voix de celles qu’elle incrimine, ce qui est très dommage, mais montre aussi son parti pris.
Cependant, le livre de Sylviane Agacinski reste intéressant, parce que l’on sent une véritable interrogation, et parfois, des réflexions nuancées et pertinentes, mais qui ne l’emportent pas sur l’anxiété qu’elle éprouve devant le risque de perte d’identité de la civilisation européenne. Comme si l’islam ne pourra jamais être considéré comme un fait social européen. Ce qu’il est déjà, à condition de regarder ailleurs en Europe, dans les pays des Balkans notamment, où l’islam est présent depuis des siècles, et parfois même majoritaire ou a grandes minorités (comme en Bosnie, en Albanie, au Kosovo, en Macédoine, en Bulgarie etc.)
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