Partir, rester, migrer, revenir ? Si notre activité humaine est marquée par le mouvement, cette problématique prend une importance particulière dans notre époque, celle des changements continus. Félix Marquardt, lui-même parfaitement représentant de ce dynamisme, s’est attaqué à cette question dans son livre: Les nouveaux nomades, la revanche d’Abel.
Un mouvement spatial…
Dans ce livre, l’auteur porte son regard sur la figure des « nouveaux nomades ». À savoir ce type de personne originaire d’une région du monde et qui se retrouve, pour des raisons professionnelles ou personnelles, à vivre et à faire, loin de chez lui. Ainsi de la figure d’ Abderrahmane « Abdi » Diabaté, originaire du Mali et qui se retrouve à travailler dans une grande ferme de Redneck dans le fin fond du Montana aux États-Unis. Ainsi aussi de Natsuno Shinagawa, originaire de la région de Tochiji au Japon, passionnée par le continent africain, elle se retrouve à travailler à l’ambassade du Japon à Dakar au Sénégal. Ou encore de Jamie d’Australie, qui quitte son île continentale natale pour Londres afin de vivre sa vie en conciliant sa foi musulmane et son homosexualité de façon harmonieuse. Si le livre regorge d’exemples de personnes originaires de tous les continents et allant dans d’autres continents, parfois dans le sens Sud-Nord, mais aussi, Nord-Sud, voir Sud-Sud ; l’enjeu et l’intérêt de l’ouvrage de Félix Marquardt n’est pas dans les récits, pourtant toujours très instructifs et vivants, mais plutôt dans la grande leçon que l’on peut tirer de tous ces mouvements: les rencontres, les échanges, parfois entre des personnes a priori incompatibles. Et qui pourtant, s’avèrent très fertiles.
Ainsi de Abdi le Malien, qui se trouve accueilli dans le ranch de Cooper Sieben. Pris en main par Aaron, chef mécanicien du ranch, homme amoureux de la musique country et de Donald Trump. Abdi va pourtant se rapprocher de cet homme et avec qui il se liera d’amitié. Comme il le fera avec Jeff Soely en charge du cheptel de 1500 tête de bétail, aussi conservateur que Aaron, et amoureux de Trump comme lui. Et pourtant, là encore, la rencontre de Abdi le Malien avec ces Rednecks n’empêchera ni l’échange, ni le rapprochement, ni même l’amitié sans que l’un ne renonce à ce qu’il était auparavant.
…reflet d’un mouvement de la conscience
Et c’est sans doute là l’enjeu du livre de Félix Marquardt ainsi que sa « plus-value ». L’auteur nous montre que le mouvement est divers dans sa nature et qu’il n’est en réalité, pas uniquement géographique. En effet, non seulement Abdi (par exemple), quitte son pays et son continent, mais il sort ainsi de son monde, du confort que la connaissance des codes de sa société, de ses coutumes, langues etc. lui octroyait pour entrer dans un nouveau. Le déplacement n’a pas été que spatial, c’est aussi un effort de mouvement hors de soi. De même, Aaron et Jeff, nos deux Rednecks américains, ont du « sortir » de certaines de leurs appréhensions, faire des efforts pour faire une place à un nouveau venu d’un monde radicalement différent. Eux aussi ont du faire un effort pour aller au-delà de soi. Et c’est cet effort partagé, des uns et des autres qui s’avéra, in fine, fructueux.
par conséquent, la plus grande rencontre que cet ouvrage décrit est celle qui mène à nous-mêmes en passant par l’effort d’ouverture véritable à l’autre, non pas l’autre moi (alter ego), celui avec qui je partage déjà les valeurs, la vision du monde, le point de vue etc. mais l’autre véritable, qui voit les choses autrement, pense autrement, vit autrement. Or cette découverte de l’autre, ne se trouve pas forcément à des milliers de kilomètres de chez soi, mais parfois juste en face. Félix Marquardt pousse les lecteurs à Franchir les différentes barrières (géographique, culturelles, politiques, et religieuses…) qui peuvent les séparer pour rencontrer l’autre et se rendre compte à quel point toutes les réalités sont liés.
Nous vivons sur une seule et même planète que nous partageons et dont les événements finissent par se répercuter les uns sur les autres. C’est pourquoi l’auteur ne perd jamais de vue les enjeux écologiques, culturels, et même géopolitiques de tous les mouvements dont il traite.
Au-delà des différences, Les nouveaux nomades est un livre qui montre à quel point nous vivons dans une interdépendance et que parfois, pour être nomade, il n’est pas nécessaire de quitter son chez soi physique, mais plutôt le confort souvent trompeur de ses propres représentations.
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