Françoise Micheau, Les débuts de l’Islam. Jalons pour une nouvelle histoire, Paris, Téraèdre, 2012
Qui ne s’est jamais posé des questions sur l’historiographie classique de l’islam ? La question, pourtant essentielle, parait pourtant taboue dans la société islamique, où contradictions et approximations font office de vérités absolues. Cette histoire, la sîra nabawiyya, est considérée indissociable de la foi elle-même. Impossible pour le musulman lambda d’évoquer le sujet. Quiconque se hasarderait d’ailleurs à émettre la moindre critique se verrait accusé au minimum de révisionnisme, au pire du fameux modernisme tant honni des traditionalistes.
Dans ce livre surprenant, Françoise Micheau défait les idées reçues en une approche très simple : compilation des écrits historiques des premiers siècles de l’islam et comparaison de ceux-ci. D’Ibn Ishâq, à At-Tabari, en passant par Ibn Hisham, tous passent au crible de l’auteur.
Françoise Micheau est professeur émérite de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle participa grandement à renouveler les études sur l’Islam médiéval en France, notamment à travers l’ouvrage présenté ici. Sa bibliographie complète est disponible ici.
Très vite, la puissance naissante du VIIe siècle a eu besoin d’établir une chronologie des évènements fondateurs. Il faudra attendre le règne des Abbassides pour que quelques auteurs se mettent à dresser des études. Compte tenu de l’importance de la diffusion de la nouvelle foi, il a fallu rattacher cette nouvelle discipline à celles des hadiths. Les traditionnistes se sont donc mis à établir un sanâd, c’est-à-dire une chaine de transmission ayant pour but de légitimer la matière.
Après lecture des différentes versions et surtout de l’évolution des thèmes abordés à travers les siècles, sans oublier des variantes des différentes mouvances (les mouvements chiites et kharijites n’ont jamais partagé la lecture historique des autres écoles), le lecteur ne peut que s’interroger sur la fiabilité absolue des sources classiques. Des points communs ressortent tout de même et permettent de dégager un certain consensus, mais les différences subsistent. À mesure que l’on se rapproche des origines, ces différences deviennent plus nettes.
L’auteur n’a pas ici pour but de démolir la foi par l’entremise de l’histoire, mais de faire poser des questions. L’impression que rien n’est absolu m’a parcouru l’esprit et n’entre pas en contradiction avec ma croyance, restée intacte. Nous ne sommes pas dans le combat idéologique, comme peuvent l’être les ouvrages d’Edouard-Marie Gallez et d’Alfred-Louis de Prémare. Bien qu’intéressants dans l’absolu et très techniques, ceux-ci laissent un sous-texte amer ayant visiblement pour objectif de décrédibiliser la foi même.
La sira, ainsi que les hadiths, restent une source d’information, mais ne peuvent concurrencer ni contredire le Coran. Notre devoir est de lire d’un œil critique ces versions en appliquant ce célèbre verset :
« N’ont-ils pas médité en eux-mêmes ? » (Sourate Ar-Rūm : XXX, 8)
Je ne peux donc que vous conseiller cette lecture qui ne vous laissera probablement pas indifférents.
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