Nous nous sommes aperçu que nous n’avions pas présenter ce qui constitue le fondement de notre approche hanafite-mutazilite comme voie de réalisation de notre islam. Avec ce présent document, nous espérons que ce manque sera comblé.

Nous nous pensons comme des héritiers du hanafisme originel, celui libéré de l’influence des courants traditionnistes, et qui tient à l’enseignement des maîtres de l’Ecole (Abū Ḥanīfa, Muḥammad al-Shaybānī et Abū Yūsuf) et à son orientation enracinée dans le ra’y, à savoir le raisonnement comme la valeur la plus certaine et plus sure, meilleure que l’argument d’autorité que les muḥadithūn (traditionnistes) prétendent trouver dans l’imitation des propos et actes d’anciens.

Pendant des siècles, la sharīa qui a été appliquée répondait au besoin de l’État en tant que « droit positif ». Il fallait une loi pour régler les comportements des uns envers les autres, et des uns et des autres, avec l’État. Ce qui n’excluait pas de règlementer la pratique cultuelle. Aujourd’hui, après des siècles d’évolutions et de changements, nous pouvons dire que pour nous sharīʿa ne veut pas dire autre chose que « voie ».

Ce que nous désignons par « voie », c’est la manière de pratiquer la religion musulmane, non plus en tant que droit positif, mais comme hygiène de vie, et pratique structurante. An effet, l’islam n’est pas que croyances ou simples vœux pieux, il s’agit d’une façon d’être, un code de comportement, une voie à suivre pour se rapprocher de Dieu. Mais cette voie ne compte que si elle est choisie librement, d’une manière autonome et volontaire.

Or, toute pratique d’une religion s’appuyant sur une compréhension (fiqh) de celle-ci. Il y a la grande compréhension (al-fiqh al-akbar), qui relève de la théologie spéculative (kalām), qui regardent les grandes questions, Unicité, liberté humaine, Justice etc. Pour ces questions, nous nous référons au courant mutazilite. Ces grandes lignes théologiques de l’islam s’appuient sur trois bases fondamentales:

  1. La raison (ʿaql)
  2. Le Coran
  3. La sagesse (ḥikma enseignements des Anciens, musulmans -dont sagesses du prophète sawas- et non-musulmans)

Une fois les principes admis et le besoin de mise en pratique présent, et c’est ici que le groupe intervient, on passe à la petite compréhension (al-fiqh al-asghar), plus couramment appelé, fiqh. Souvent traduit par « droit islamique », ce qui est une traduction partielle. Le hanafisme repose sur sept fondements pour pratiquer l’islam (uṣūl al-fiqh).

  1. Le Coran
  2. La Sunna
  3. Le consensus (ijmāʿ)
  4. Le raisonnement par analogie (qyās)
  5. L’opinion (ra’y)
  6. Le choix préférentiel (istiḥsān)
  7. La coutume (ʿurf)

Mais il y a différentes manières d’utiliser ces fondements. Les autres écoles (malikites, shafi’ites et hanbalites), émettent leurs jugements à partir de leurs différents principes. Nous, Hanafites, mettons les principes, mais aussi les jugements au même niveau. Ainsi, nous pouvons aussi bien fonder un jugement sur les principes que sur un jugement déjà existant. D’ailleurs, c’est aujourd’hui la méthode finalement adoptée aussi par les autres écoles.

Contrairement aux autres écoles, le hanafisme ne compte pas 5 jugements de responsabilisation (aḥkām taklīfya), mais 8 (il s’agit des jugements applicables à tous les actes humains) :

  1. Farḍ (obligation certaine)
  2. Wājib (obligation)
  3. Mandūb (conseillé)
  4. Mubāh (indifférent/permis)
  5. Makrūh tanzīhan (légèrement déconseillé)
  6. Makrūh taḥrīman (fortement déconseillé)
  7. Ḥarām (illicite)
  8. Ādāb (humanisme- savoir dire, savoir faire, savoir savoir)

P.S : Ce groupe se veut l’héritier du véritable esprit hanafite originel, c’est pourquoi nous avons parlé d’Abū Ḥanīfa et de ses deux disciples. Dans le hanafisme originel, les hadiths ont une place réduite, c’est le raisonnement, et donc l’ijtihād, qui tient une place de choix. Nous rejetons donc l’usage à tout va des hadiths, surtout s’ils sont ahād (particuliers) et contradictoires avec la raison et le Coran.